Dans la famille des trente-deux berlinettes 250 LM produites par l’artisan de Maranello entre 1963 et 1966, il y a le châssis 5893 et les autres. La 250 LM répertoriée 5893 est la plus célèbre de toute la série. Elle est entrée dans la légende en signant la neuvième victoire de Ferrari aux 24 Heures du Mans en à peine seize ans de présence. Entre 1949 et 1965, le constructeur italien a marqué la plus importante épreuve d’endurance au monde de son empreinte.
Il y a quelques mois, cette voiture a mis la planète des collectionneurs de la marque italienne en émoi. Le musée d’Indianapolis, le Motor Speedway Museum, a annoncé voici quelques mois qu’il allait se séparer de quelques pépites de sa collection, dont cet éminent prototype rouge, pour financer des travaux d’embellissement. RM Sotheby’s a été choisi pour organiser la vente aux enchères de ces quelques automobiles.
Au regard de son lien particulier avec la France, la maison d’enchères a décidé de vendre à Paris, durant la semaine de Rétromobile (4 et 5 février 2025), la fameuse 250 LM victorieuse au Mans en 1965. Les experts de la maison anglo-saxonne estiment que la première berlinette de course à installer le V12 en position centrale arrière pourrait approcher les 30 millions d’euros. Ce serait du jamais vu pour une 250 LM. Produite en 1964 et livrée aux États-Unis à l’importateur Luigi Chinetti, la LM 5893 est acquise par Madame Irene Young de Walton, dans le Connecticut. Avec son mari, elle possède déjà la LM n°5901. Aussi, la LM 5893 retourne assez rapidement chez Chinetti Motors. C’est alors que Chinetti décide de l’engager à l’édition 1965 des 24 Heures du Mans sous l’écurie North American Racing Team (NART) qu’il a créé. Au début de cette année-là, la LM revient en Italie où le carrossier Piero Drogo lui greffe un capot allongé. En 1965, la LM ne peut déjà plus jouer les premiers rôles en endurance. L’affichage s’annonce comme un nouvel épisode du duel Ferrari-Ford, 330 P2 contre GT 40. Pour ces deux adversaires, ce sera l’hécatombe. Les voitures officielles des deux constructeurs abandonnent les unes après les autres. Un autre scénario se dessine. La lutte pour la victoire se résume alors à duel de 250 LM : la jaune de l’écurie Francorchamps du belge Jacques Swaters et la rouge de l’écurie du NART dirigée par Luigi Chinetti.
Au volant de la berlinette portant le numéro de course 21, l’écurie américaine a fait le pari de l’expérience et de la fougue. Le bouillant américain Masten Gregory partage le volant de la LM avec le jeune espoir et fougueux Autrichien Jochen Rindt. Après un début de course retardé par leur démarreur puis par leur condensateur, les deux pilotes n’ont d’autre stratégie que de foncer, pied au plancher. Dimanche midi, la LM rouge n’est plus qu’à un tour de la LM jaune. Dans le camp américain, on commence à y croire, d’autant que Rindt ne ménage pas sa monture, alignant les tours à une cadence de grand prix. Un déchapage de la LM jaune va finalement décider de la victoire. Gregory et Rindt triomphent avec une avance de près de six tours. Les deux pilotes ont eu chaud. Le différentiel, qui donnait déjà des signes de fatigue, perd toutes ses dents après le passage du drapeau à damiers. À la suite de son succès sarthois, la LM 5893 courra encore trois épreuves de 24 heures. Début février 1966, elle prend le départ des 24 Heures de Daytona avec Masten Gregory et l’Anglais David Piper mais renonce sur accident. Il faut attendre l’édition 1968 du Mans qui se tient en septembre en raison des événements de Mai 1968 pour retrouver la LM. Gregory partage alors le volant avec Charlie Kolb. La LM abandonne après 209 tours sur sortie de route.
L’année suivante, marquée par le superbe final entre Jacky Ickx et Hans Hermann, le NART aligne sa LM pour l’Américain Sam Posey et l’Italien Teodoro Zeccoli. Pourtant d’un autre âge, la LM se montre toujours vaillante et après deux tours d’horloge, elle se classe 8e au général. En janvier 1970, on retrouve encore la LM au départ de l’épreuve d’endurance de Daytona. Luigi ‘Coco’ Chinetti, Jr. et Gregg Young se partagent le volant. Qualifiés 44e, ils terminent à une solide 7e place. Trois mois plus tard, le musée du Speedway d’Indianapolis décide d’en faire l’acquisition. La LM 5893 peut se diriger vers une retraite bien méritée. C’est sans doute l’une des LM parmi les plus authentiques.