Proviseur de Maurice-Ravel menacé : le parquet fait appel

Nouvel épisode dans l’affaire des menaces à l’encontre du proviseur de la cité scolaire Maurice Ravel (20e arrondissement de Paris). Ce mercredi, le ministère public a fait savoir à BFMTV puis au Figaro qu’il ferait appel de la décision prononcée deux jours plus tôt par la 17e chambre du tribunal correctionnel, qui a condamné un jeune homme à 600 euros d’amende et un stage de citoyenneté.

Le 28 février dernier, une altercation avait éclaté entre le chef d’établissement et une élève qui refusait d’ôter son voile dans l’enceinte scolaire. Des menaces avaient très rapidement fleuri sur les réseaux sociaux. Des «attaques» qualifiées d’«absolument inacceptables» par la ministre de l’Éducation nationale de l’époque, Nicole Belloubet, qui avait apporté son soutien au proviseur menacé.

Profondément marqué, ce dernier avait quitté son poste quelques semaines plus tard, tandis qu’en parallèle, des investigations étaient menées pour retrouver les auteurs des menaces. Trois hommes ont finalement été identifiés et poursuivis en justice. Le premier a été condamné à des travaux d’intérêt général par la cour d’appel de Caen, après avoir été relaxé en première instance. Le deuxième, jugé à Bourg-en-Bresse, sera fixé sur son sort prochainement.

Le troisième, Ibni-Akram A., a comparu le 2 octobre à Paris pour avoir écrit sur le réseau social X : «Ma sœur m’a raconté, c’est une dinguerie faut le brûler vif ce chien». À l’audience, ce jeune homme de 27 ans, frère d’une élève de Maurice-Ravel, s’est excusé, assurant «avoir pris conscience de la gravité de ses propos» et «regretter» son message. De son côté, le parquet a requis un an de prison avec sursis, évoquant le «contexte de menaces récurrentes envers le corps enseignant».

«Jugement stupéfiant»

Ce 18 novembre, c’est donc une peine bien plus légère qu’a prononcée la 17e chambre du tribunal correctionnel : 60 jours-amende d’un montant de 10 euros chacun ainsi qu’un stage de citoyenneté de cinq jours à exécuter dans un délai de six mois. Une condamnation qui ne sera pas inscrite au casier judiciaire d’Ibni-Akram A., les juges notant qu’il s’agit «d’un fait isolé» et mettant en avant son «insertion professionnelle».

Le jeune homme a par ailleurs été condamné à verser 3 000 euros de dommages-intérêts au chef d’établissement, ainsi que 1 euro symbolique au Syndicat national des personnels de direction de l’Éducation nationale (Snpden), qui s’était constitué partie civile.

Cette décision a été accueillie avec satisfaction par l’avocat du jeune homme, Me Thibault Kempf, qui l’a qualifiée de «logique et adaptée». Elle a en revanche suscité l’ire du conseil du proviseur, Me Francis Lec, qui a dénoncé par le biais d’un communiqué «une décision incompréhensible au regard de la gravité des faits».

«Surprise» et «colère»

Dans un autre communiqué, le Snpden a quant à lui qualifié ce jugement de «stupéfiant et indigne». «Comment comprendre une telle décision de justice, tant elle banalise, par sa légèreté et par sa faible portée symbolique, les menaces de mort proférées à l’encontre de nos collègues personnels de direction dans l’exercice de leurs fonctions ? Comment comprendre ce qui a motivé un tel abandon judiciaire de notre profession dans cette décision, alors que Madame la Procureure avait requis une peine d’un an de prison avec sursis ?»

«Nous avons d’abord ressenti de la surprise face à cet écart aussi important entre la peine requise et la décision prononcée. Puis de la colère. Un proviseur a même écrit à son rectorat pour dire qu’il était écœuré par le jugement», complète Bruno Bobkiewicz, secrétaire général du syndicat. «Le problème, au-delà de cette affaire individuelle, c’est le signal global que cela envoie. Quand on voit cette décision, ainsi que celle de Caen... Ce n’est pour nous pas à la hauteur.»

La ministre de l’Éducation nationale elle-même a réagi. «Je ne peux pas, évidemment, avoir un point de vue sur cette décision de justice. Mais en revanche, je le dis, c’est un coup porté à l’Éducation nationale», a déclaré Anne Genetet lors d’une interview accordée à Europe 1 et CNews mardi 19 novembre. «C’est bien qu’elle se soit exprimée sur le sujet. Son propos était mesuré, mais elle ne pouvait sans doute pas en faire davantage», souligne Bruno Bobkiewicz.

Au surlendemain de cette condamnation polémique, le parquet de Paris a donc fait appel. Un deuxième procès se tiendra dans les mois à venir. Dans ce contexte, la décision du tribunal de Bourg-en-Bresse, devant lequel a comparu un quadragénaire qui avait appelé à «aller lui en mettre deux à ce fils de lâche», sera surveillée de près. Le jugement est attendu le 28 novembre.