Collision en mer du Nord: le risque d’une catastrophe écologique est loin d’être écarté

Les flammes dégagent encore une épaisse fumée sombre. L’incendie déclenché par la collision entre un porte-conteneurs et un pétrolier lundi matin en mer du Nord, à environ 16 km au large du Royaume-Uni, « a fait rage toute la nuit » et était toujours en cours ce mardi, selon les autorités portuaires locales. Une personne est portée disparue et s’il n’y a «pas de signe de pollution observé pour l’instant» selon le gouvernement britannique, la menace d’une catastrophe environnementale est loin d’être écartée.

Les raisons de l’incident restent à déterminer mais on sait que le pétrolier Stena Immaculate était à l’arrêt quand il a été percuté, quasiment à angle droit par le porte-conteneurs Solong. Selon son opérateur américain, la société Crowley, le tanker transportait du carburant Jet-A1 pour l’armée des États-Unis, dont au moins un réservoir a été brisé. Ce produit particulièrement inflammable, un type de kérosène, « sert de carburant aux avions de l’US Navy, précise Christophe Logette, directeur du Cedre (Centre de documentation, de recherche et d’expérimentations sur les pollutions accidentelles des eaux). S’il brûle, il peut provoquer une pollution atmosphérique avec des nuages toxiques. Il faut donc bien protéger les personnes qui luttent contre les flammes. »

L’expert rappelle que tous les pétroles flottent : ils ne polluent pas les profondeurs mais viennent notamment engluer le plumage des oiseaux. Quant au Jet-A1, c’est un carburant léger qui s’évapore facilement, contrairement à un pétrole brut ou à un fioul plus lourd. « Il ne va donc pas être persistant dans le milieu marin : la partie qui ne brûle pas peut se dissiper en quelques jours sous l’effet des vagues, du vent, de l’exposition au soleil et des micro-organismes marins qui vont le dégrader ». L’ampleur de la pollution dépendra donc de la quantité de produit qui finit dans l’eau. Selon le site spécialisé Lloyd’s List Intelligence cité par l’AFP, le tanker transportait 220 000 barils de kérosène.

Pas de cyanure de sodium, selon le propriétaire du cargo

Le risque pourrait aussi venir de la cargaison du cargo battant pavillon portugais, dont on n’a pas encore tous les détails. Si le Solong transportait vraisemblablement une certaine quantité d’alcool et de produits chimiques, son propriétaire a assuré mardi qu’il ne transportait pas de cyanure de sodium. «Nous sommes en mesure de confirmer qu’à bord il n’y a pas de conteneurs chargés de cyanure de sodium, comme cela a été rapporté à tort. Il y a quatre conteneurs vides qui ont précédemment contenu le produit chimique dangereux et ces conteneurs continueront à être surveillés», a indiqué la compagnie maritime allemande Ernst Russ dans un communiqué.

Ce serait une bonne nouvelle : ce produit, une fois dans l’eau, se dissout et peut contaminer le milieu marin avec des effets sur les cétacés, les poissons… et donc la pêche. «Et s’il prend feu, il peut entraîner la formation d’un nuage du cyanure d’hydrogène, extrêmement toxique par inhalation » et donc potentiellement dangereux pour les habitants du littoral, rappelle Christophe Logette.

Une attention particulière devra donc être portée par les autorités maritimes britanniques afin de déterminer la présence ou non de produits dangereux. «L’exploitation du manifeste du navire (le document expliquant quelles sont les marchandises à bord, NDLR) devrait permettre rapidement de lever le doute et d’établir si les produits transportés représentent un risque pour les personnes et l’environnement», note l’expert français.

Risque de marée noire

Selon lui, les fumées noires que l’on aperçoit sont dues à la combustion du Jet-A1. Le fioul de propulsion - celui utilisé par le cargo et le tanker - pourrait enfin représenter une autre menace non négligeable pour l’environnement, vu la taille des deux navires impliqués. On ne peut en effet pas encore exclure le risque de marée noire et l’arrivée sur les littoraux britannique, belge ou néerlandais de boulettes ou de petites nappes d’hydrocarbures. Il faudra alors les ramasser une à une car cette matière visqueuse - délétère pour les oiseaux - ne part pas toute seule. Selon l’agence de presse Reuters, Martin Slater, directeur des opérations au Yorkshire Wildlife Trust, ne cache pas son inquiétude : la côte du Yorkshire de l’Est abrite des colonies protégées et importantes d’oiseaux de mer, notamment des macareux et des fous de Bassan, dont beaucoup se trouvent au large avant la saison de nidification.

« On en saura plus sur l’ampleur du problème avec les observations aériennes conduites afin de repérer la présence d’une éventuelle nappe », conclut Christophe Logette. Si c’est le cas, il faudra la confiner au maximum et récupérer le fuel grâce à des navires spécialisés avant qu’il n’aille polluer les côtes.