Craignant d’être arrêté par la police à l’aéroport à Milan, Kamel Daoud annule sa visite prévue mi-juin

Kamel Daoud n’ira finalement pas en Italie. Invité à se rendre à la Milanesiana, l’un des plus importants festivals culturels du pays, l’écrivain algérien lauréat du prix Goncourt en 2024 pour Houris (Gallimard) a préféré annuler sa visite, craignant de se faire arrêter, d’être présenté à un juge à son arrivée à l’aéroport et d’être extradé en Algérie, d’où il est originaire et où il est poursuivi. Une information dévoilée par le journal italien Corriere della Sera  ce lundi 2 juin, confirmée par Le Figaro.

L’intellectuel franco-algérien était attendu mi-juin à Milan pour effectuer une tournée à travers l’Italie pour faire la promotion de son livre, qui vient d’être traduit et publié de l’autre côté des Alpes. Selon une source proche du dossier contactée par la rédaction du Figaro, un juge italien aurait accepté de faire interpeller et de livrer l’auteur à Alger.

Depuis la parution de Houris, qui relate l’histoire d’une jeune femme rescapée de la décennie noire (1992-2002) en Algérie, Kamel Daoud est la cible d’une cabale du régime algérien, et de multiples plaintes, notamment pour «violation de la loi sur la réconciliation nationale». Une poursuite qui se fonde sur une loi de 2005, adoptée sous le régime du président Bouteflika, qui prévoit une peine d’emprisonnement de 3 à 5 ans contre «quiconque, par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale, pour porter atteinte aux institutions de la République algérienne démocratique et populaire, fragiliser l’État, nuire à l’honorabilité de ses agents qui l’ont dignement servie, ou ternir l’image de l’Algérie sur le plan international». La publication du livre a été interdite en Algérie.

Une autre plainte a été déposée pour «atteinte à la vie privée» par une femme, Saada Arbane. Cette dernière accuse l’écrivain de s’être inspiré de son histoire personnelle, sans son consentement et en violant le secret de son dossier médical, pour écrire Houris. Ce que Kamel Daoud a toujours contesté, assurant que son roman est une fiction inspirée de son travail sur le terrain, en tant que journaliste au Quotidien d’Oran, dans les années 1990.

Une tournée en Chine également annulée

En mars puis en mai, l’intellectuel a fait l’objet de deux mandats d’arrêt internationaux émis par un juge du tribunal d’Oran, ville de l’ouest de l’Algérie, pour la publication de son roman primé. «Ces deux mandats ont toutefois été refusés par Interpol», affirme toutefois une source auprès du Figaro, considérant que l’arrestation de l’écrivain a directement été négociée entre l’Algérie et l’Italie, qui entretiennent de bonnes relations ces derniers mois, notamment depuis la signature d’un accord sur l’exploitation de gaz entre les deux pays.

De quoi complexifier là encore les relations franco-italiennes, alors que le président Emmanuel Macron et la première ministre Giorgia Meloni se rencontrent ce mardi à Rome. Les relations entre la France et l’Algérie restent tendues alors qu’Alger refuse de reprendre ses citoyens jugés «dangereux» par Paris et que l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal est toujours détenu en prison. «Nous ne prendrons pas le risque d’avoir deux Boualem Sansal au lieu d’un», poursuit une source proche de l’affaire. En 2020, Kamel Daoud a été naturalisé français. En restant sur le territoire, il reste sous protection.

Kamel Daoud avait également prévu de partir en tournée en Chine ces prochaines semaines. Compte tenu des relations du pays avec l’Algérie, il a également préféré annuler sa visite.