« On ne fait pas de rentabilité sur la santé des gens » : au centre médical Stalingrad, les syndicats appellent à l’aide après l’annonce de la suppression de 25 postes

La devise de la Sécurité sociale – « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins » – n’a jamais semblé aussi dépassée aux habitants du nord de Paris, alors que l’un des rares endroits où ils peuvent se faire soigner gratuitement, le centre médical Stalingrad (CMS), s’apprête à fermer plusieurs de ses services.

Géré par la caisse régionale d’assurance-maladie d’Île-de-France (Cramif) et la Caisse nationale de l’assurance-maladie (Cnam), cet établissement de secteur 1, accueillant près de 30 000 patients réguliers à l’année pour 100 000 passages, devrait procéder à la suppression de 25 salariés sur ses 75 emplois d’ici le mois de mai.

Ce jeudi est donc un jour de lutte. La fédération CGT des organismes sociaux appelle à un rassemblement près des locaux de la Cnam pour sauver l’établissement. « Nous avons appris que 9 spécialités allaient fermer et que cela risquait de déclencher un PSE avec le départ de 17 médecins et 8 membres du personnel administratif », alerte Cédric Heurtevent, secrétaire CGT au CSE de la Cramif.

« Nous demandons à la direction du CMS de surseoir à son projet »

Ces craintes remontent au 13 décembre. Lors d’une réunion avec les salariés et les syndicats CGT, CFDT, FO et CFE-CGC, la direction du CMS a annoncé qu’elle travaillait sur un projet de restructuration de l’activité du centre. La raison ? Un déficit de 1,7 million d’euros en 2023. Mais l’annonce interpelle les organisations de travailleurs qui contestent l’ordre du jour. « Nous avons trouvé cela étrange qu’elle parle de restructuration et non de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). L’inspection du travail a d’ailleurs révoqué une première fois le dossier de la direction, jugeant qu’il y avait des éléments qui n’étaient pas assez précis. Elle leur a sommé de qualifier cette restructuration en PSE », explique Cédric Heurtevent.

Résultat, le 3 février, la direction a convoqué les syndicats pour ce qui devait servir de première réunion de ce plan de licenciements. Une entrevue largement boycottée. Depuis le début de l’année, l’intersyndicale CGT, CFDT, FO et CFE-CGC mène en effet des actions pour empêcher la mise en place de ce « plan social ». Elle dénonce notamment la fermeture des services de radiologie, ophtalmologie, dermatologie, kinésithérapie, rhumatologie, endocrinologie, orthoptie et un poste d’infirmier, alors que le CMS est un point central d’accès aux soins des habitants du 19e arrondissement et des populations voisines de Seine-Saint-Denis.

« Nous sommes chaque jour aux côtés de patients fragiles, précaires qui, pour certains, ne parlent pas français », raconte Christelle1. Cette soignante salariée au CMS, qui s’occupe d’un peu moins de 20 patients par jour, a fait de sa carrière dans un centre de santé de secteur 1 un acte militant. « Je ne peux me résoudre à retourner dans un cabinet libéral qui pratique des dépassements d’honoraires. On ne fait pas de rentabilité sur la santé des gens », vilipende-t-elle.

Cette potentielle future fermeture est d’autant plus inquiétante qu’en Île-de-France, premier désert médical de France par rapport à sa densité de population, plusieurs centres de santé sont constamment sous la menace d’une fermeture. L’été dernier déjà, six centres de santé gérés par la Croix-Rouge l’ont été en raison de difficultés financières. Et, en plus de Stalingrad, la structure de Réaumur, gérée par la Cnam, est également visée par une fermeture de son service de radiologie.

Il n’en fallait donc pas plus pour que les élus politiques se joignent aux syndicats et habitants mobilisés pour la survie de ces établissements. Le 21 janvier, à l’Assemblée nationale, la députée insoumise Danièle Obono a notamment interrogé Yannick Neuder, ministre de la Santé, de la Solidarité et des Familles, sur la situation du CMS et du centre de Réaumur. Il a convenu « qu’on ne ferme pas un centre de soins pour des raisons financières » et promis « de vérifier qu’il ne s’agit pas de fermetures liées à un déficit de professionnels de santé ». « C’est pourquoi sur la base de ses déclarations, on demande à la direction du CMS de surseoir à son projet », revendique Alain Ivkovic, délégué syndical FO à la Cramif.

Le jeudi 30 janvier, Séverine Guy, adjointe socialiste au maire du 19e arrondissement, Daniele Obono, députée insoumise, Camille Naget, conseillère communiste du 19e arrondissement, Anne-Claire Boux, adjointe écologiste à la maire de Paris, et Colombe Brossel, sénatrice socialiste, ont également apporté leur soutien aux salariés du CMS lors d’une réunion d’information sur la situation au sein de la mairie du 19e arrondissement. Mais, pour l’heure, la Cramif ne semble pas revenir sur sa décision selon les syndicats. Contactée, elle n’a pas répondu à nos questions.

  1. Le prénom a été modifié ↩︎

Aux côtés de celles et ceux qui luttent !

L’urgence sociale, c’est chaque jour la priorité de l’Humanité.

  • En exposant la violence patronale.
  • En montrant ce que vivent celles et ceux qui travaillent et ceux qui aspirent à le faire.
  • En donnant des clés de compréhension et des outils aux salarié.es pour se défendre contre les politiques ultralibérales qui dégradent leur qualité de vie.

Vous connaissez d’autres médias qui font ça ? Soutenez-nous !
Je veux en savoir plus.