PORTRAIT. De l’échec au PSG à Liverpool et l'équipe de France, le parcours sinueux d’Hugo Ekitike, qui "a tout pour devenir le numéro 9 des Bleus"

Le nom d'Hugo Ekitike a beau se lire dans les deux sens, ce n'est pas pour autant que Didier Deschamps l'a retenu plus vite que les autres. Mais, à 23 ans, l'ancien Parisien va enfin voir son palindrome floqué au dos d'un maillot de l'équipe de France. Après un début de saison réussi, le nouvel attaquant de Liverpool a en effet été convoqué pour la première fois avec les Bleus, par Didier Deschamps, dimanche 31 août, pour remplacer Rayan Cherki, blessé. Ce qui vient réparer une anomalie pour Hugo Ekitike, recruté contre près de 100 millions d'euros en juillet par Liverpool.

Cinquième joueur français le plus cher de l'histoire selon transfermarkt, Hugo Ekitike a surtout battu un autre record : celui du plus gros transfert pour un joueur jamais convoqué en sélection nationale, toutes nations confondues. "Je pensais qu'il aurait été sélectionné plus tôt, notamment la saison passée. Il est destiné à l'équipe de France", glisse Mathieu Lacour, directeur général du Stade de Reims, son club formateur. Avant d'ajouter : "Au-delà de l'affection que je lui porte, c'est un profil rare, un attaquant mobile et technique. Ekitike a tout pour devenir le numéro 9 des Bleus."

Mis au placard par le PSG

Cette étiquette de grand talent tricolore, Hugo Ekitike la porte depuis plus de trois ans. Avant d'affoler le mercato estival cette année, il avait déjà été au cœur de celui de l'été 2022. "Mon téléphone n'a jamais autant chauffé que cette saison-là. Ça venait de partout, des vingt plus gros clubs européens, avec les deux Milan, Dortmund, Newcastle, le Real Madrid, le PSG…", se souvient Mathieu Lacour. A 20 ans à peine, Hugo Ekitike sort alors d'une saison à 11 buts et quatre passes décisives en 26 matchs avec le Stade de Reims. De quoi convaincre le PSG de signer un chèque d'un montant estimé à l'époque à 30 millions d'euros.

Une somme qui étonne, mais qui n'a rien d'une surprise pour Mathieu Lacour : "Le marché des attaquants est très concurrentiel, et Hugo a un profil rare, de grand attaquant puissant en pivot, mais aussi technique et très rapide pour décrocher dans le jeu. En plus d'être un grand buteur, il a un profil athlétique rare et une très bonne personnalité". Après une petite saison avec les professionnels au Stade de Reims, qu'il avait intégré à ses 11 ans, Hugo Ekitike change de dimension en rejoignant le PSG de Lionel Messi, Neymar, et Kylian Mbappé.

Hugo Ekitike, avec Neymar, Kylian Mbappé et Marco Verratto lors de Lorient-PSG, le 6 novembre 2022. (AFP)
Hugo Ekitike, avec Neymar, Kylian Mbappé et Marco Verratto lors de Lorient-PSG, le 6 novembre 2022. (AFP)

La success story s'arrête toutefois brutalement. Au milieu des stars parisiennes, Hugo Ekitike ne trouve pas sa place, dans un vestiaire miné par les conflits, et qui ne semble pas enclin à faciliter son acclimatation. Sous les ordres de Christophe Galtier, Hugo Ekitike se contente des miettes la première saison (quatre buts et quatre passes décisives en 32 matchs), avant de disparaître des écrans radars dès l'été 2023, et l'arrivée de Luis Enrique sur le banc. "J'aurais pu faire mieux, c'est la vérité, mais on ne m'a pas aidé à ce que je fasse mieux. On ne m'a pas donné de la confiance. [...] Mais j'ai beaucoup appris. Je me suis entraîné au quotidien avec les meilleurs joueurs du monde. J'aurais été le plus bête des joueurs, le plus bête des êtres humains si je n'avais pas appris", assurait Hugo Ekitike en mars à L'Equipe.

Sur le terrain, et dans les vestiaires, le natif de Reims ne trouve pas sa place à Paris. "Dans le PSG actuel qui donne sa chance aux jeunes comme Barcola, Doué, il aurait trouvé sa pleine mesure", imagine ainsi Mathieu Lacour. Ce dont le principal intéressé est aussi convaincu, même s'il a dû s'exiler à l'Eintracht Francfort, au mercato hivernal 2024, pour retrouver des couleurs. "A son arrivée, il était au plus bas, mentalement et physiquement. Il était dans un état terrible", se souvient Ingo Durstewitz, journaliste qui suit l'Eintracht Francfort pour le Frankfurter Rundschau depuis 25 ans.

L'expérience danoise avant d'éclore dans son cocon

À Francfort, Hugo Ekitike n'arrive pas en tant que titulaire. "Le club misait sur lui pour l'avenir. Il devait retrouver une bonne condition physique avant toute chose. Après quatre semaines, il a joué son premier match et a été pris de crampes. Mais, dès ce jour, on a vu qu'il avait un talent phénoménal, que c'était un joueur spécial", retrace Ingo Durstewitz. Ce qui n'empêche pas la presse allemande de lui affubler un surnom peu reluisant : "Monsieur zéro but". Pas de quoi blesser le Champenois, connu pour sa grande confiance en lui depuis l'enfance. "Pour autant, il ne se prend pas pour une diva ! Bien au contraire", précise Mathieu Lacour.

Son humilité, Hugo Ekitike l'a aiguisée trois ans plus tôt. Alors jeune promesse du Stade de Reims, il est expédié en prêt au Vejle-Kolding, modeste club danois. "Ado, c'était un garçon intelligent, sûr de lui, avec un entourage sain. En le prêtant comme ça au Danemark, à 18 ans, on voulait le sortir de sa zone de confort", explique Mathieu Lacour. "On avait zéro doute sur le footballeur, mais on voulait voir comment l'homme allait répondre à la difficulté. Il ne parlait pas encore bien anglais, il a souffert au début, et il fallait être intelligent pour comprendre l'intérêt de ce prêt. Il l'a vite compris. À son retour chez nous, il avait beaucoup mûri et basculé dans le haut niveau."

Hugo Ekitike sous le maillot de Vejle, club danois auquel il a été prêté au printemps 2021 par le Stade de Reims. (AFP)
Hugo Ekitike sous le maillot de Vejle, club danois auquel il a été prêté au printemps 2021 par le Stade de Reims. (AFP)

Trois ans après cette expérience danoise, Hugo Ekitike est donc armé mentalement pour se relever à l'étranger quand il pose ses valises à Francfort. Dans un club où tout le monde maîtrise l'anglais, le Rémois laisse vite parler son football. "Il a inscrit quatre buts, seulement. Mais ces quatre buts ont été inscrits en fin de saison et étaient tous très importants. Et on voyait déjà que c'était un joueur magique, capable de tout faire en attaque, dans tous les systèmes, et dans tous les rôles. Tout en étant un très bon gars, les pieds sur terre, qui ne se comporte pas comme une superstar", se souvient Ingo Durstewitz.

La renaissance allemande

Convaincu, l'Eintracht Francfort lève l'option d'achat et offre un contrat jusqu'en 2029 à son nouveau joyau offensif. La saison suivante, le Français flambe avec 22 buts et 12 passes décisives en 48 matchs. "J'ai vu beaucoup de grands attaquants à Francfort : Kolo Muani, Haller, Jovic, Marmousch… Ekitike est sans doute le meilleur attaquant que l'Eintracht ait connu. Il a laissé une grande empreinte. Les gens l'aiment pour son talent, mais aussi parce que c'est un joueur spécial. On voit peu de joueurs comme lui. Il est différent", assure Ingo Durstewitz, qui s'attendait à le voir sélectionné en équipe de France bien plus tôt. 

Au-delà d'empiler les buts, en Allemagne, il a aussi élargi sa panoplie. Avec son physique atypique (1m91, 74 kg), le sosie officiel de Victor Wembanyama détonne sur les pelouses. Car si sa taille lui offre un jeu de tête hors pair et de la puissance, Ekitike reste très technique, agile et rapide, tout en étant à l'aise dans la surface mais aussi au cœur du jeu. "Je suis un joueur assez complet et ma morphologie m'aide. [...] Mon corps me permet de courir vite, de tenir les duels. J'ai de l'endurance, je suis technique, et j'ai une très bonne compréhension du jeu. J'ai des progrès à faire dans tous les domaines. Mais je veux me rapprocher de la perfection, la toucher, pourquoi pas. Je n'ai peur de rien", assurait-il en mai 2022 dans L'Equipe.

Impressionnant depuis ses débuts avec Reims, mais devenu plus régulier à Francfort, l'attaquant tape dans l'œil de Liverpool, qui met la main à la poche en juillet 2025 pour s'attacher ses services. Trois ans après son acclimatation délicate au PSG, le Français frappe fort d'entrée, inscrivant trois buts lors de ses trois premiers matchs avec les Reds. De quoi taper dans l'œil de Didier Deschamps, qui a fini par l'appeler. Pour le plus grand bonheur de l'intéressé, qui déclarait en mars à L'Equipe : "On est peut-être la meilleure nation du monde, les places sont chères donc il faut la mériter. Je vois ça comme le Graal. L'équipe de France représente tout."