Réforme des retraites : "Si François Bayrou peut durer, c’est aussi de la faute de ses oppositions", critique la député européenne Reconquête, Sarah Knafo
Le Premier ministre François Bayrou a ouvert de nouvelles discussions avec les partenaires sociaux à la suite de l’échec à trouver un accord entre les différentes parties à l’issue du "conclave" autour de la réforme des retraites. La journaliste Maya Lauqué interroge, dans l’interview des "4 Vérités" du vendredi 27 juin, la députée européenne Reconquête Sarah Knafo, notamment sur la question de la potentielle censure évitée par le chef du gouvernement.
Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.
Maya Lauqué : Bonjour, Sarah Knafo. Bonjour. Merci d'être avec nous ce matin. Des avancées mais pas d'accord sur les retraites. François Bayrou a tiré les conclusions du conclave. Les discussions vont se poursuivre entre les partenaires sociaux. A-t-il sauvé son siège, le Premier ministre ?
Sarah Knafo : C'est une bonne question parce que j'ai l'impression que c'est la seule qui occupe l'esprit de notre Premier ministre en réalité. Durer, durer, durer, c'est son seul objectif. En tout cas, c'est ce que tout le monde sent. Et s'il peut durer, c'est aussi de la faute de ses oppositions. Puisque ses oppositions donnent le sentiment d'écarter d'un revers de la main la possibilité de la censure et surtout de ne jamais lui donner de lignes rouges claires.
Qui visez-vous ? Le Rassemblement national ?
Notamment, puisque j'ai l'impression qu'on n'a pas retenu les erreurs de la censure Barnier, c'est-à-dire qu'on l'a censuré sans lui avoir demandé auparavant des choses très claires, c'est-à-dire presque un plan en lui disant si vous ne réalisez pas ces quatre mesures à mon sens, alors on vous censurera en lui donnant une échéance claire. À mon avis, maintenant, il faut réparer ses erreurs et c'est ce qu'il faut exiger de François Bayrou au risque sinon de donner l'impression aux Français qu'en réalité tout le monde ne veut que durer, que tout le monde attend et que le grand perdant de ce petit jeu-là en réalité ce sont les Français.
On attend l'automne puisqu'il pourrait se passer la même chose que pour le gouvernement Barnier, c'est-à-dire une censure sur le budget.
On attend toujours autre chose. À l'époque du précédent budget, j'ai eu le sentiment qu'à l'Assemblée nationale, personne n'avait été clair. Moi, je pense qu'avec François Bayrou, il faut dire les choses clairement. On attend un budget avec un plan d'économie de 100 milliards d'euros. Si vous voulez, je peux les proposer d'ailleurs. Mais à mon sens, ce n'est pas la seule chose qu'il faut lui demander. Il faut lui demander des choses qu'il est en mesure de réaliser tout de suite. C'est-à-dire dès la semaine prochaine, dès cette semaine, des choses qui peuvent se faire par circulaire. Je vous donne un exemple. Il faudrait exiger, par exemple, la naturalisation zéro. Le droit à la nationalité française n'existe pas. Vous n'avez pas le droit, par essence, quand vous arrivez sur le sol français, d'acquérir la nationalité. Donc on pourrait exiger, par exemple de M. Retailleau, un moratoire sur les naturalisations. Ça, il peut le demander dès cet après-midi, assez simplement par une circulaire. Autre exemple, vous avez tous les jours dans l'école des associations de propagande qui sont autorisées, par agrément du ministère de l'Éducation nationale, à pénétrer dans les écoles. On pourrait leur retirer cet agrément là encore, dès cet après-midi.
Dernier élément, je vous ai dit plein de 100 milliards, les écoles et la propagande et les naturalisations. Ce qu'on pourrait demander, c'est l'abolition des accords de 68 avec l'Algérie. Ça encore, M. Bayrou peut le faire lui-même. Il n'a pas besoin d'une loi, il n'a pas besoin de passer par l'Assemblée, il pourrait le faire s'il en avait la volonté dès cet après-midi. Et ce qu'on pourrait obtenir par cette abolition, c'est d'une part la libération de Boalem Sansal, notre écrivain français qui est aujourd'hui enfermé dans les geôles algériennes, à son âge et alors qu'il est malade, et on a l'impression que tout le monde l'oublie en France aujourd'hui, mais on pourrait aussi exiger d'eux qu'ils reprennent leurs clandestins, qui sont parfois des bombes sur pattes, des prédicateurs salafistes qui sont chez nous et sur lesquels, là encore, on a le sentiment que le gouvernement parle beaucoup mais ne fait rien.
"Il faut donner des lignes rouges claires sur le budget"
Je voulais revenir sur le rôle du Rassemblement national. Quel est l'objectif du RN ? De peser plus sur le budget aujourd'hui ?
Alors moi, ce n'est pas le sentiment que j'ai parce qu'à mon sens, pour peser plus, il faut donner des lignes rouges claires. Je pense que, par exemple, si je vous prends ce que nous, on a fait chez Reconquête, nous avons soulevé énormément de sujets, des gouffres, par exemple. J'ai parlé de l'aide publique au développement. J'ai essayé d'expliquer aux Français qu'aujourd'hui, ils financent, ils ont financé, par exemple, de 2018 à 2020, 200 millions d'euros de dons, pas de prêts, de dons à la Chine. C'est-à-dire que la deuxième puissance économique du monde, nous, la France, on l'a aidée à se développer, comme si on roulait sur l'or. Il faut savoir aussi qu'on dépense des millions d'euros pour des modes de cuisson propres au Sahel, pour l'égalité des sexes en Irak, pour la budgétisation sensible au genre en Jordanie. C'est ça que les Français financent quand ils paient des impôts tous les mois.
Des impôts écrasants d'ailleurs, puisque rappelons aux gens qu'à partir du 16 de chaque mois, ils ne travaillent plus pour eux-mêmes mais pour l'État. Quand on a un taux d'imposition de 45 %, de la richesse nationale, c'est-à-dire qu'à partir de la moitié du mois, on travaille pour l'État. Moi, ça me rappelle, à l'époque du Moyen Âge et de l'Ancien Régime, il y avait ce qu'on appelait les corvées. C'étaient ces jours, quelques jours dans l'année, où les paysans ne devaient plus travailler pour eux, mais pour leur seigneur. Ils devaient leur offrir le fruit de leur travail. Nous, ce n'est pas quelques jours par an, c'est la moitié de l'année qu'on travaille pour l'État.
Quand il apparaît de la politique et de l'union des droites que vous défendez, on va d'abord dire un mot de l'actualité internationale. Gaza, Iran, Israël, Ukraine, "je plaide pour qu'on ait trois cessez-le-feu en même temps, immédiats et durables", a déclaré cette semaine Emmanuel Macron. Est-ce que vous soutenez les efforts de la diplomatie française ?
Moi, je trouve que la diplomatie française est incohérente. Je trouve qu’ils s'écoutent parler. C'est un peu ce que disait Albert Cohen en décrivant les diplomates. Il disait, ils ont le talent de ne rien dire en plusieurs pages. C'est exactement ce que fait la diplomatie française aujourd'hui. Moi, je ne me souviens pas d'un général de Gaulle qui passait son temps à des incantations, à des cessez-le-feu ou à des supplications faites aux Nations unies.
"Beaucoup d'inconséquences dans la politique d'Emmanuel Macron"
Donc, il faudrait faire quoi ?
Au contraire, je pense que d'abord, il faut comprendre la différence entre, typiquement puisque c'est le sujet, la différence entre l'Iran et Israël. Vous avez d'un côté un pays, Israël, qui essaie de défendre sa vie, de défendre ses intérêts, de défendre son existence. Et de l'autre côté, l'Iran, qui défend quelque chose de totalement différent, qui défend la destruction d'Israël. C'est quelque chose qu'il faut prendre au sérieux. Ils l'ont répété depuis déjà 20 ans. Moi, depuis que je suis enfant, j'entends l'Iran dire qu'il faut rayer Israël de la carte. Je pense que depuis le 7 octobre, les Israéliens ont compris qu'il fallait prendre ces menaces au sérieux. Donc quand ils se battent, quand ils utilisent l'arme qu'est la guerre pour essayer de se défendre, je crois que c'est un peu irresponsable, nous, depuis notre salon parisien, de dire qu'on appelle au cessez-le-feu. Il faut comprendre que pour eux, c'était un sujet existentiel d'empêcher l'Iran d'avoir la bombe atomique.
Donc encore une fois, je trouve qu'il y a beaucoup d'inconséquences dans la politique d'Emmanuel Macron et j'aimerais juste citer un élément que j'ai trouvé absolument terrifiant depuis le 7 octobre. En principe, le 7 octobre, on aurait dû souder les pays occidentaux avec Israël, c'est-à-dire qu'ils auraient dû se dire, nous aussi, par exemple pour la France, on a vécu le Bataclan, on sait ce que c'est, le djihadisme, le terrorisme islamique. Et au lieu de ça, on a le sentiment de tout l'inverse : des nations occidentales qui se sont radicalisées en faveur de la Palestine, qui veulent toutes reconnaître les uns après les autres un État palestinien, comme si c'était possible aujourd'hui d'ailleurs, dans l'état de la situation.
Vous estimez qu'il n'y a pas eu de prise en charge, qu'il n'y a pas eu d'écoute ?
Non, regardez ce qui s'est passé. Depuis le 7 octobre, on n'a jamais vu autant de drapeaux palestiniens dans les rues occidentales. Vous ne trouvez pas qu'il y a un paradoxe ? Il y a un pays qui se fait attaquer, il y a 1300 morts, des femmes violées, des bébés tués, pris en otage. Au lendemain de ça, on voit la position du Quai d'Orsay totalement inconséquente. Emmanuel Macron, qui a encore 10 jours, ferme le stand israélien au salon du Bourget. Quand on voit ça, on se dit qu'il ne défend pas l'intérêt français. L'intérêt français serait de commercer avec une nation comme Israël.
À l'inverse, il a peur des banlieues françaises, de ce que certains appellent la rue arabe. Quand je dis ça, je me souviens du moment où Emmanuel Macron a refusé de participer à la marche contre l'antisémitisme. Ce n'était pas du sionisme, la marche contre l'antisémitisme. Et vous savez pourquoi il avait refusé ? Parce que Yassine Belattar, l'humoriste des banlieues, était venu le voir à l'Élysée en lui disant "Si tu marches contre l'antisémitisme, tu vas mettre les banlieues à feu et à sang". Et c'est aux ordres de cet humoriste-là qu'Emmanuel Macron a obéi.
"On n'emprisonne pas assez"
On revient à des questions d'actualité. Nos confrères du Parisien ont publié une note interne ce matin du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse. Il alerte sur les conséquences de la surpopulation carcérale sur son territoire. Plus de 200 % d'occupation, une tendance qui concerne de toute façon toute la France. Est-ce qu'on emprisonne trop aujourd'hui, est-ce que ça ne va pas contre l'idée d'une justice laxiste ?
Alors, on n'emprisonne pas assez. Le problème est que nous n'avons pas assez de places de prison. Pour vous donner un exemple, depuis 1996, on a eu une augmentation de 391 % des coups et blessures volontaires. Vous devriez me dire, les enfermements ont dû exploser. Eh bien non. Les enfermements ont eux augmenté uniquement de 31 %. C'est-à-dire 13 fois moins vite. Les coups et blessures volontaires ont augmenté 13 fois plus vite que les détenus. Donc on a énormément de coupables. Ces coupables-là sont en liberté, pourquoi ? Parce qu'on n'a pas assez de place dans nos prisons. Ministres après ministres, depuis Rachida Dati, mais même avant elle, on a eu des circulaires de ministres qui demandaient aux juges de ne pas enfermer, de préférer toutes les peines alternatives à la prison. Bracelet électronique, sursis, stage de citoyenneté, etc.
Mais malgré tout, il y a 83 000 détenus en France aujourd'hui, il n'y a pas assez d'alternatives.
Vous avez raison, pourquoi ? Parce qu'on n'a pas construit de places de prison. Ce que je propose, c'est un plan de 100 000 places de prison qui devront être construites en 24 mois. La meilleure manière de libérer 70 millions de Français, c'est d'enfermer 100 000 délinquants et criminels qui aujourd'hui, faute de place, parce qu'il y a eu une idéologie de gauche qui a refusé la prison par nature, se trouvent en liberté. Quand vous avez un délinquant ou un criminel qui sort du tribunal et qui a pris soit du sursis, soit un stage de citoyenneté, quand ses copains lui demandent "Qu'est-ce que t'as pris ?", il répond "Rien du tout".
Juste un dernier mot, demain 25ème marche des fiertés organisée par l'Inter-LGBT et la présence annoncée d'un collectif qui fait débat, c'est Eros. Ses membres se présentent comme des gays patriotes opposés, je cite, "aux dérives idéologiques, woke et LGBT, à l'immigration massive et très souvent homophobe et à l'islamisation de notre pays". Eros a-t-il sa place dans ce défilé ?
Je croyais que c’était un défilé pour défendre le droit des homosexuels et des LGBT donc pourquoi est-ce qu’un collectif qui les défend notamment contre un nouveau fléau qui s’abat sur eux, à savoir des agressions venues notamment d’immigrés comme c’est assez documenté et comme ce collectif Eros le montre toute la journée. Je ne vois pas pourquoi, si ils sont sincèrement dans la défense de ces minorités là, ils refuseraient un collectif comme Eros. Je trouve ça très positif qu’il y ait des voix comme celles-ci qui s’élèvent.