D’Emilia Perez à Joker, la comédie musicale repart à la conquête des cinémas

Emilia Perez  sélectionné pour représenter la France aux Oscars, Lady Gaga qui met en musique Joker 2 : la comédie musicale infuse partout cet automne au cinéma, peut-être un retour de mode pour un genre longtemps boudé.

Joker - Folie à deux est-il une comédie musicale ? «Je ne dirais pas qu'il en s'agit d'une à proprement parler», a tranché au Festival de Venise Lady Gaga, qui s'y connaît en films musicaux. Méga star de la pop qui n'a plus rien à prouver sur scène, elle a percé sur grand écran dans A Star is Born , de Bradley Cooper, en 2018, où elle jouait une chanteuse.

Dans ce nouvel épisode du Joker, la musique est omniprésente dans le couple que son personnage forme avec l'anti-héros incarné par Joaquin Phoenix. «On utilise la musique pour vraiment donner aux personnages une façon d'exprimer ce qu'ils ont à dire car passer par le dialogue ne suffit pas», a-t-elle expliqué.

Mais contrairement aux canons du genre, ce film opte pour un rendu plus naturel : les chansons ont été entonnées en direct sur le plateau et Lady Gaga a confié qu'elle avait «désappris à chanter, oublié comment respirer». L'imperfection doit se ressentir - et se ressent - à l'écran.

Les classiques de la comédie musicale, le cinéaste Jacques Audiard les subvertit lui aussi dans Emilia Perez, filmé au son du reggaeton et rythmé par des chorégraphies clipesques, qui vient d'être choisi pour représenter la France aux Oscars.

Le film, qui raconte l'histoire d'un baron de la drogue mexicain qui change de vie et devient une femme, a remporté le Prix du Jury à Cannes et un prix d'interprétation collectif pour Zoe Saldaña, la popstar Selena Gomez et l'actrice principale transgenre Karla Sofía Gascón.

En écrivant, «je ne savais pas si on faisait une comédie musicale ou un opéra», a confié Jacques Audiard. «On ne voulait pas aller dans les codes officiels de la comédie musicale», a ajouté son chorégraphe, Damien Jalet.

Les comédies musicales toujours consommées

Plus classiquement, l'industrie hollywoodienne continue de miser régulièrement sur le genre musical, avec des résultats difficiles à prédire au box-office : des succès de Mamma Mia!, Moulin Rouge et La La Land à l'échec du remake de West Side Story par Steven Spielberg en 2021. Le genre est coûteux, en temps et en argent. «Il y a beaucoup d'enregistrements et de réenregistrements de chansons, des playbacks. Beaucoup de titres vont à la poubelle», témoignait Jacques Audiard.

Au rang des réussites, le film Wonka , inspiré de l'univers de Charlie et la chocolaterie, a permis de découvrir les talents vocaux de Timothée Chalamet et rempli les salles. La fin d'année sera marquée par la sortie de Wicked, adaptation d'un succès de Broadway avec Ariana Grande, Cynthia Erivo et Jeff Goldblum.

«On reste cependant bien loin de» l'âge d'or des comédies musicales, dans les années 1930 à 1950, avec des centaines de films du genre. Aujourd'hui, ça reste une exception mais parfaite pour mettre en scène des personnages «bigger than life» (hors du commun), souligne auprès de l'AFP Alexis Lormeau, auteur de Chante et danse au cinéma (éditions Apprimerie).

Au final, «peu de films» sont de vraies comédies musicales, avec des chansons intégrées dans la narration et des scènes dansées, ajoute Isabelle Wolgust, autrice du Dictionnaire de la comédie musicale (éd. Rouge Profond). Le public est-il allergique au genre ? Pas forcément, répond la spécialiste, qi souligne que la consommation de séries comme Glee a fait évoluer les habitudes.

Et si les comédies musicales classiques s'inspirent en général de succès sur scène, la réciproque existe aussi. Le réalisateur français Mathieu Kassovitz, qui adapte à partir du 10 octobre le film coup de poing La Haine sur scène, y croit et promet une comédie musicale tout sauf «ringard»: «On essaye de casser un petit peu tout ça et de ne pas respecter forcément les règles et les coutumes de ce format», a-t-il expliqué à l'AFP.