Pornographie «à outrance», jeunes «plus agressifs», influence rigoriste: la parole libre d’un flic de Seine-Saint-Denis

Rémy Borel est enquêteur à la brigade de protection des mineurs de Seine-Saint-Denis depuis 27 ans et dirige le service depuis plus d’une décennie. Il publie un ouvrage «Des moments ordinaires» dans lequel il met en scène un commissaire de police du département, la veille de rendre son arme. Infanticide, viol en réunion, inceste... Le fonctionnaire se replonge dans une dizaine d’affaires ayant marqué sa carrière. Sous couvert de fiction, Rémy Borel décrit les cas de conscience d’une profession face à ces affaires si sensibles, mais aussi les multiples évolutions sociétales qu’a connues la Seine-Saint-Denis en trente ans.

LE FIGARO. - Votre livre rappelle des scènes du film Polisse de Maïwenn, sorti en 2011. En quoi était-ce important de rendre hommage au «drôle de métier» que sont les enquêteurs des brigades de protection des mineurs ?

Rémy Borel. - Je tenais à montrer la réalité des brigades de mineurs en France. Ces brigades qui, loin des grands offices centraux, enquêtent avec les moyens du bord sur l'indicible: inceste, viol en réunion, infanticide… La plupart du temps, nous ne travaillons pas sur des affaires de violeurs en série, mais sur ce qu'il se passe dans l'entourage proche des enfants, au plus profond des secrets de famille. Les policiers qui s'occupent de ces affaires ne sont ni des nounous, ni des sauveurs ou des super-héros. Nous ne sommes pas non plus l'avocat de la victime. Il y en a, c'est leur métier. Nous ne sommes pas contre le mis en cause non plus. Nous enquêtons, tentons de comprendre, collectons des informations et de ne pas ajouter du traumatisme.

Pourquoi souhaitiez-vous spécifiquement mettre en avant le département du «neuf-cube» ?

Justement parce que l'on parle trop peu de ce département ! Loin des affaires médiatiques parisiennes, nous travaillons quotidiennement sur des affaires de violences sexuelles, intrafamiliales ou entre mineurs, mais nous ne sommes pas la brigade paillette, on ne parle pas de nous. En parallèle, je constate qu'un viol en réunion va plus choquer à Bourges qu'à Bobigny. Très peu de nos affaires connaissent un retentissement, quand bien même les faits sont d'une extrême gravité. Ce n'est pas par désintérêt, mais la presse a peur d'en parler, peur de stigmatiser la Seine-Saint-Denis. Dans un sens, tant mieux, cela nous permet de travailler sereinement. À travers le livre, ma volonté est de décrire un département que je connais bien puisque j'y suis né, sans caricature: ne pas le présenter comme le Bronx, mais ne pas faire preuve d'angélisme non plus en prétendant que tout va bien.

Après trente ans de métier, quel constat dressez-vous sur la délinquance et la criminalité des jeunes dans votre département?

La Seine-Saint-Denis a toujours été un département difficile, mais la violence en elle-même a augmenté. Il y a trente ans, il y avait des bagarres, du racket, des cambriolages.. Ça n'allait souvent pas plus loin. Nous sommes passés à un niveau au-dessus. Lors d'une rixe, si un gamin est K.O. à terre, ses adversaires vont continuer de lui asséner des coups de pied à la tête jusqu'au coma, voire la mort. À cause d'une simple remarque, on se sent agressé et on se montrera encore plus agressif, en toutes circonstances. La violence est plus importante et l'autre ne compte pas. C'est chacun pour soi.

La réponse pénale a-t-elle suivi cette gradation de la violence ?

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