Notre critique du Village aux portes du paradis : la Somalie à visage humain

Notre critique du Village aux portes du paradis : la Somalie à visage humain

Le film Le Village aux portes du paradis, de Mo Harawe, raconte l’histoire d’une famille somalienne face aux difficultés du quotidien. FreibeuterFilm

Dans le désert somalien, le réalisateur Mo Harawe suit trois membres d’une même famille qui prennent en main leur destin. Un premier long-métrage surprenant.

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Le vent souffle beaucoup et tous les jours dans ce village de Somalie. Difficile de dire qu’il est porteur. Pas de pluie en revanche, mais au bout du film, une agréable sensation d’entendre des gouttes tomber une à une jusqu’à remplir une bassine. Auteur de deux courts-métrages remarqués dans les festivals, Mo Harawe, réalisateur somalien installé en Autriche, a tenu à poser sa caméra dans son pays natal pour Le Village aux portes du paradis, l’histoire de trois personnes d’une même famille face aux obstacles du quotidien. Un film très réaliste avec une majorité d’acteurs non professionnels.

Selon les jours et les opportunités, Mamargade est chauffeur, mécanicien ou fossoyeur. Il élève seul son fils Cigaal et partage son logement avec sa sœur Araweelo, couturière fraîchement divorcée. Quand l’urgence consiste à avoir assez d’argent pour se nourrir, l’avenir s’imagine rarement au-delà du lendemain. Alors, le jour où l’école de Cigaal ferme, Mamargade réfléchit longuement avant de placer son petit garçon au pensionnat dans la grande ville voisine. Une décision qui apporte des tensions à la maison : Mamargade a dû puiser dans la cagnotte que sa sœur destinait à son atelier de couture pour payer ce nouvel établissement.

Mo Harawe prend son temps pour dévoiler ses personnages. Il choisit des séquences courtes - la majorité sans musique -, installant chacun dans son univers, ses soucis et sa débrouille. Laissant des questions en suspens pour apporter plus tard la réponse. Pendant une heure, sa sœur n’a pas de prénom. Et il faut encore une dizaine de minutes pour apprendre que la mère de Cigaal est morte. Le tout donne une idée d’un quotidien âpre, rythmé par une guerre civile qu’il invisibilise - en dehors de la séquence d’ouverture, un extrait du journal télévisé relatant la mort d’un expert en produits chimiques d’un groupe lié à al-Qaida. Seuls le bruit des drones ou des ambulances ensuite et l’enterrement de victimes civiles révèlent des attaques régulières. On est loin du Paradis, nom du village.

Émotion et admiration, dans un univers aride

C’est pourtant de l’émotion et de l’admiration que l’on ressent au bout des deux heures et quart du film. De l’admiration pour ces protagonistes qui surmontent les épreuves. De l’émotion face aux liens qui se tendent et se distendent, aux sentiments qui éclosent ou à la beauté des images dans un univers pourtant tellement aride. Alors que les ennuis tombent en cascade sur Mamargade, Araweelo et Cigaal, ils savent trouver des sas de décompression, mentir aussi parfois pour éviter d’ajouter une couche de tracas. Mo Harawe évite ainsi toute lourdeur et montre l’humanité sous toutes ces facettes. Le réalisateur fait dire à un de ses personnages : « Ça rime à rien d’avoir des enfants. » Ce qui ne l’empêche pas d’apporter la preuve qu’il faut avoir confiance dans l’avenir.


La note du Figaro : 3/4