Englué dans une profonde crise sécuritaire, l'Équateur choisit son président

Le scrutin s'annonce serré. Le président sortant Daniel Noboa et son opposante de gauche Luisa Gonzalez s'affrontent dimanche 13 avril lors du second tour de la présidentielle en Équateur, un pays profondément divisé et miné par la violence liée au trafic de drogue.

Luisa Gonzalez, avocate de 47 ans, aspire à devenir la première femme à diriger le pays. Daniel Noboa, entrepreneur millionnaire de 37 ans, espère gouverner quatre ans de plus, après avoir gagné par surprise les élections anticipées d'octobre 2023 convoquées par son prédécesseur Guillermo Lasso pour éviter une procédure de destitution.

Ces dernières années, le pays andin de 18 millions d'habitants a connu une transformation brutale.

Ses ports sur le Pacifique, son économie dollarisée et sa position entre Colombie et Pérou, les deux plus gros producteurs mondiaux de cocaïne, ont fait de l'Équateur un lieu clé de transit et de stockage de la drogue.

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Les gangs rivaux y ont fleuri, faisant exploser le taux d'homicides. Le début d'année 2025 est le plus sanglant depuis l'existence de statistiques à ce sujet: une personne est assassinée chaque heure dans le pays.

Jadis considéré comme un havre de paix dans une région troublée, "l'Équateur est devenu le pays le plus violent d'Amérique du Sud", relève Christophe Ventura, spécialiste de l'Amérique latine à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

Samedi, le gouvernement a décrété un état d'urgence de 60 jours et instauré des couvre-feux nocturnes dans les régions les plus touchées par la violence.

"Il y a de la délinquance, il y a de la drogue, des crimes, des extorsions", énumère tristement Alfredo Cucalon, guide touristique à Guayaquil (ouest), capitale économique devenue plaque tournante du trafic de drogue, notamment vers l'Europe et les États-Unis.

Un soldat équatorien monte la garde devant du matériel électoral avant sa distribution pour la présidentielle à Guayaquil, le 12 avril 2025
Un soldat équatorien monte la garde devant du matériel électoral avant sa distribution pour la présidentielle à Guayaquil, le 12 avril 2025 © Raul ARBOLEDA / AFP

Guerre contre le narcotrafic

Les deux candidats ont terminé le premier tour de février au coude-à-coude, avec un écart de moins de 1 %.

Surpris d'être ainsi talonné, Daniel Noboa a dénoncé de "nombreuses irrégularités". La mission électorale de l'Union européenne a assuré n'avoir pas observé "le moindre type de fraude".

De l'avis de plusieurs observateurs, jamais le pays n'avait été aussi polarisé depuis le retour à la démocratie à la fin des années 1970.

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Quel que soit le vainqueur, le pays se réveillera divisé. "Si l'écart est très faible, (le gouvernement) débute avec un problème. Il a presque la moitié du pays contre lui", souligne le politologue Simon Pachano, de l'université Flacso.

Face à une économie en récession, les candidats proposent des remèdes divergents.

Daniel Noboa incarne l'élite politique équatorienne issue du monde de l'entreprise et a triomphé avec le soutien d'une partie de la droite. Il promeut les concessions privées dans des secteurs stratégiques et des accords de libre-échange.

La candidate de gauche Luisa Gonzalez et le président équatorien candidat à sa réélection Daniel Noboa
La candidate de gauche Luisa Gonzalez et le président équatorien candidat à sa réélection Daniel Noboa © ARMANDO PRADO / AFP

Luisa Gonzalez vante un État plus fort et des dépenses accrues dans les infrastructures et services publics.

Le chômage et le sous-emploi touchent près de 23 % de la population, et la pauvreté 28 %, dans un pays concentré à financer sa guerre contre le narcotrafic.

Une décennie de dépenses en l'absence de prospérité pétrolière a porté la dette publique à près de 57 % du PIB, selon le FMI.

Sécurité et respect des droits humains

Daniel Noboa, héritier d'un magnat de la banane, exploite sur les réseaux sociaux son image de jeune dirigeant tenant d'une ligne dure en matière de sécurité, marquée par l'envoi de militaires dans les rues et dans les prisons.

Il s'attribue la diminution du taux d'homicides, passé d'un record de 47 pour 100 000 personnes en 2023 à 38 en 2024.

Arrestation d'un suspect à Guayaquil, en Equateur, après des affrontements meurtriers entre gangs de narcotrafiquants rivaux, le 7 mars 2025
Arrestation d'un suspect à Guayaquil, en Equateur, après des affrontements meurtriers entre gangs de narcotrafiquants rivaux, le 7 mars 2025 © MARCOS PIN / AFP/Archives

"Ce dimanche sera le rappel que ce pays a pu sortir du trou", a déclaré Daniel Noboa jeudi devant des milliers de personnes à Guayaquil.

Sa politique sécuritaire est dénoncée par des organisations de défense des droits humains. En décembre, la justice équatorienne a ordonné la détention provisoire de 16 soldats soupçonnés d'avoir tué quatre jeunes âgés de 11 à 15 ans à Guayaquil.

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Luisa Gonzalez promet également la sécurité, mais un plus grand respect des droits humains. Elle s'affiche comme une femme simple, mère célibataire qui s'est faite toute seule.

L'avocate est la protégée de l'ancien dirigeant socialiste Rafael Correa (2007-2017), figure clivante en Equateur.

"Cela fait huit ans que l'Équateur (...) régresse", a-t-elle dénoncé lors de son dernier meeting à Guayaquil.

Entre les deux tours, elle a reçu le soutien du principal mouvement indigène équatorien.

Avec AFP