Pourquoi l’impressionnant patrimoine économique des Français s’est soudain réduit en 2023

La France est riche. Extraordinairement riche. Son patrimoine économique atteignait fin 2023 le montant difficilement appréhendable de 18.674 milliards d’euros, selon une publication de l’Insee et la Banque de France. Toutefois, après des années fastes de croissance (4,8 % en moyenne sur les 8 dernières années), il est en recul de 4,2 %, en grande partie en raison de la baisse des prix immobiliers. Fin 2022, il s’établissait en effet à 20.052 milliards d’euros.

Cette étude annuelle, qui répond à une obligation européenne, les États membres de l’UE ayant obligation de publier leurs comptes chaque année, a vocation à donner une vision d’ensemble de la répartition de la richesse nationale. Elle donne ainsi à voir la valeur du « stock » de l’année précédente, c’est-à-dire les biens matériels et immatériels. Et permet aussi de constater vers où s’oriente l’épargne des Français.

Alors que l’on pourrait spontanément penser que le patrimoine français net - les actifs diminués des passifs, comme les dettes - est majoritairement détenu par des entreprises, il n’en est rien. Plus des trois quarts (78 %) sont possédés par les ménages, à hauteur de 14 .567 milliards d’euros. Viennent ensuite les entreprises non financières (3297 milliards, soit 17,7 % du patrimoine national), puis les administrations publiques (786 milliards) et enfin les entreprises non financières (25 milliards).

Forte orientation des Français dans la pierre

Par « actifs » , il faut entendre des éléments concrets. Côté non financier, on trouve les biens et produits comme les constructions de logements, les équipements, les terrains, les stocks de matière première… L’autre composante du patrimoine économique national est à trouver dans les actifs financiers : liquidités sur les comptes en banque, actions, parts de fonds d’investissement, assurance-vie… Une fois les passifs retirés, on obtient le total du patrimoine possédé par l’ensemble des acteurs économiques du pays.

La valeur des biens immobiliers détenus, qui ont constitué 91,3 % des actifs non financiers des ménages, s’est repliée sous l’effet d’une forte accentuation de la baisse du prix des terrains bâtis tandis que la valeur du bâti a continué de progresser (+ 3,9 %, après + 8,8 %)

Étude de l’Insee et de la Banque de France

C’est en raison de la prévalence des ménages qu’une légère variation du patrimoine de ces derniers, de - 0,9 % en 2023, suffit à faire plonger la courbe globale. Ce repli, qui intervient après un premier ralentissement en 2022, est dû à la baisse des prix des biens immobiliers, dont une grande partie est possédée par des particuliers (8910 milliards d’euros, soit 60 % des actifs des ménages). En tant que principal actif national, il est naturel que sa baisse, de 4,7 % en 2023, exerce une forte influence sur la valeur du patrimoine global. 

« La valeur des biens immobiliers détenus, qui ont constitué 91,3 % des actifs non financiers des ménages, s’est repliée sous l’effet d’une forte accentuation de la baisse du prix des terrains bâtis tandis que la valeur du bâti a continué de progresser (+ 3,9 %, après + 8,8 %) », précise l’étude. Autrement dit, la construction, dont les prix étaient en hausse, n’a pas suffi à compenser la forte contraction du prix des bâtiments déjà construits. Cette forte orientation des Français dans la pierre est intermédiaire entre l’Allemagne, où les ménages sont dans une moindre proportion propriétaires, et les pays du sud de l’Europe, où ils le sont davantage.

Les taux de la BCE en cause

Quid des actifs financiers des ménages ? Alimenté par un taux d’épargne en forte hausse depuis la crise du Covid-19 en 2020, ce patrimoine-là a eu beau augmenter de 8,3 % en 2023, atteignant 4809 milliards d’euros, il ne pouvait suffire à contrebalancer entièrement la baisse de la valeur des actifs immobiliers. Cette double tendance immobilière et financière est le résultat direct de la hausse des taux pratiquée par la Banque centrale européenne pour contrer l’inflation : le coût des crédits immobiliers augmentant, la demande puis les prix ont chuté, tandis que la rémunération des placements augmentait. Le taux d’épargne augmentant en 2024, cette tendance pourrait se confirmer dans la prochaine étude publiée en 2025.

Les entreprises non financières, quant à elles, ont vu leur patrimoine décroître bien plus fortement (- 10 % en un an) , toujours sous l’effet de la baisse des prix des terrains, mais aussi en raison de la montée de leur passif financier. Les mêmes raisons provoquant les mêmes effets, le patrimoine des administrations publiques a chuté de 27,5 %. Ce dernier reste toutefois supérieur à son niveau de 2021, car il avait fortement progressé en 2022. Le patrimoine des sociétés financières reste pour sa part « limité », à 25 milliards, le patrimoine non financier de 379 milliards d’euros étant presque contrebalancé par le patrimoine financier net de 354 milliards d’euros.