Victoire de Donald Trump, «étincelle d’espoir» et «jour d’après» : la presse internationale décortique l’accord de cessez-le-feu entre Israël et le Hamas

Sobrement, le quotidien hébreu Haaretz estime dans son éditorial ce jeudi 16 janvier que «l’annonce, hier, d’un accord sur la libération des otages est une bonne nouvelle pour les Israéliens en général et pour les familles des otages en particulier». Mercredi, Israël et le Hamas ont accepté un accord pour un cessez-le-feu dans la bande Gaza et la libération d’otages retenus par le groupe terroriste islamiste depuis le 7 Octobre 2023, après 15 mois d’une guerre qui a fait des dizaines de milliers de morts et plongé dans le chaos l’enclave palestinienne.

La vérité est simple : la guerre est terminée. En fait, elle est devenue inutile depuis quelques mois, et les soldats sont morts pour des raisons politiques et non sécuritaires

Haaretz, éditorial du 16 janvier 

Trois phases sont prévues dans cette trêve, qui entrera en vigueur dimanche 19 janvier. La première durera 42 jours et 33 otages seront libérés. En échange, Israël retirera progressivement son armée de la bande de Gaza en conservant le contrôle d’une zone tampon à l’intérieur du territoire. L’État hébreu aurait également accepté de libérer 1000 prisonniers palestiniens, dont des terroristes. «Au-delà de cet optimisme compréhensible, il faut souligner qu’il ne faut pas se contenter de la première phase de cet accord», poursuit Haaretz dans ses colonnes. Un avertissement au premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et à ses alliés d’extrême droite. «Les Israéliens ne pourront se reposer tant que tous les otages ne seront pas rentrés chez eux», conclut le quotidien de centre-gauche qui se distingue dans le paysage médiatique israélien par ses critiques contre la guerre menée par Benyamin Netanyahou.

À Gaza, «de nombreux Palestiniens se réjouissent, espérant que la guerre soit enfin terminée», dépeint Al-Jazeera English . Une joie «tempérée par le chagrin, après avoir vécu la mort de tant de leurs proches». «Je prie Dieu pour que nous puissions reprendre notre vie normale sans nous sentir en insécurité», déclare à la chaîne de télévision un médecin de 47 ans. «Rester en vie à Gaza a toujours été une question de chance», ajoute-t-il.

«Le temps est venu de reconstruire»

«La vérité est simple : la guerre est terminée. En fait, elle est devenue inutile depuis quelques mois, et les soldats sont morts pour des raisons politiques et non sécuritaires (...) La restitution de tous les otages est une obligation morale suprême, mais mettre fin à la calamité dans la bande de Gaza doit également être un impératif moral qui incombe à Israël. Les jours à venir seront sensibles et instables (...) Le temps est venu de reconstruire», conclut Haaretz qui, dans un autre article, estime que cet accord permettra à Donald Trump, qui regagnera la Maison Blanche ce lundi, de parachever son objectif de normalisation des relations israélo-saoudiennes.

De son côté, le Jerusalem Post, quotidien israélien classé à droite, exhorte à «sentir l’étincelle d’espoir» et à «garder les combats pour demain». «Ce n’est pas le moment de se lancer dans des considérations politiques mesquines [ni] de se lamenter sur la libération des terroristes du Hamas. Cela viendra en son temps. Aujourd’hui, nous devons célébrer cet événement, en tant que nation et pour notre nation», est-il écrit dans l’éditorial de ce jeudi.

«Trump a rendu la faiblesse de Joe Biden encore plus pathétique»

De l’autre côté de l’Atlantique, le New York Times  met en avant la «collaboration remarquable» entre les équipes de Joe Biden et de Donald Trump «qui ont temporairement mis de côté leur animosité mutuelle». Même si cela n’a pas empêché «les deux camps de s’attribuer le mérite» de l’accord - le chantre du MAGA l’a annoncé sur les réseaux sociaux avant l’actuel locataire du Bureau ovale... «Chaque président avait son propre intérêt à régler la question. Pour le démocrate, l’accord, s’il est maintenu, représente une ultime justification de son mandat, ce qui, espère-t-il, sera la fin de la guerre la plus meurtrière de l’histoire du conflit israélo-palestinien, tout en libérant les Américains et les Israéliens de leur captivité. Pour le républicain, l’accord, pour l’instant, élimine un problème majeur de la table alors qu’il entame un second mandat, lui permettant de se consacrer à d’autres priorités», décrypte le quotidien américain.

Un autocrate fait la paix tandis que les forces démocratiques établies restent dans l’hésitation

Der Spiegel

Pour l’allemand Der Spiegel, «il reste un arrière-goût : le fait que ce soit justement le populiste Donald Trump qui ait imposé une fin - au moins provisoire - à la guerre avant même le début de son mandat. Et ce, à des conditions qui étaient presque identiques sur la table depuis mai 2024.» «En effet, après son élection début novembre, les négociations, qui étaient au point mort, ont repris de plus belle. L’«enfer» se déchaînera si le Hamas ne libère pas les otages d’ici le 20 janvier, a menacé Trump en dernier lieu. Cela sonnait de manière aussi explosive et ridicule que ce à quoi il nous a habitués - mais cela a fonctionné»analyse l’hebdomadaire. Qui conclut : «Un autocrate fait la paix tandis que les forces démocratiques établies restent dans l’hésitation.» 

Un avis partagé par El País, en Espagne, qui estime que «Trump gouverne là où Biden ne gouverne pas». «L’accord a été rendu possible parce qu’il a été imposé par la seule partie qui pouvait le faire, Donald Trump, qui a ainsi rendu la faiblesse de Joe Biden encore plus pathétique lors de ses adieux à la Maison Blanche : ce que Biden n’a pas réussi à arracher à Netanyahou en mars, mai et juillet, avec des conditions pratiquement identiques, Trump l’obtient avant d’entrer en fonction»analyse le quotidien de centre gauche.

«Crucial pour la stabilité du Moyen-Orient»

En Italie, La Repubblica note que «la volte-face de Netanyahou exaspère la droite religieuse». «Contraint par l’envoyé de Trump de dire oui à l’accord, le premier ministre doit apprivoiser la révolte dans son gouvernement» menée par Itamar Ben Gvir, le ministre de la Sécurité nationale, et de Bezalel Smotrich, son homologue des Finances. «Je propose que nous allions ensemble voir le premier ministre et que nous l’informions que s’il adopte l’accord, nous démissionnerons du gouvernement», a à ce sujet déclaré Itamar Ben Gvir, rapporte The Times of Israël .

«Le cessez-le-feu est crucial pour la stabilisation du Moyen-Orient»titre enfin le quotidien espagnol El Mundo. «Washington craint qu’en l’absence d’un plan pour le “jour d’après”, la situation à Gaza ne se détériore et aboutisse soit une résurgence du Hamas, soit à une réoccupation israélienne de l’enclave», explique dans les colonnes de L’Orient-Le Jour  Ghaith el-Omari, chercheur au Washington Institute for Near East Policy. «Si la création d’un État palestinien est soutenue par les principaux pays arabes, qui l’érigent en condition pour s’engager dans la reconstruction et la gouvernance de la bande de Gaza post-Hamas, la concrétisation de ce plan pourrait toutefois être renvoyée aux calendes grecques. Le gouvernement israélien a continué de s’opposer fermement à toute évocation d’une solution à deux États», note le quotidien libanais qui évoque la reprise en main des territoires par une «Autorité palestinienne réformée». Le «jour d’après» reste à écrire.