Notre critique de L’homme qui a vu l’ours qui a vu l’homme : une chronique de village loufoque et bien léchée
Il pourrait avoir une tête de chien battu, avec sa barbe mal taillée, sa chemise à carreaux et sa casquette fatiguée. Que nenni ! Dès qu’il parle, se déplace ou fait des moulinets avec ses bras, Pierre Richard illumine l’écran d’une fantaisie qu’on sent revenue de loin. Son regard bleu crève l’écran et fait toujours des étincelles.
C’est au Festival de Cannes cette année que l’éternel « Grand Blond » du cinéma français a présenté son huitième film en tant que metteur en scène. La cocasserie rêveuse du Distrait s’imprime à chaque plan dans L’Homme qui a vu l’ours qui a vu l’homme. Une marque de fabrique discrète dont il ne tire nulle gloire. Avec la décontraction maîtrisée d’un comédien qui en a vu d’autres, le nonagénaire, aussi gaillard qu’un perdreau de l’année, réalise une comédie solaire, tendre et loufoque qui lui ressemble totalement.
Passer la publicitéL’intrigue de L’Homme qui a vu l’ours qui a vu l’homme met en scène Grégoire, un vieux loustic anticonformiste qui vit seul, retiré dans une cabane de pêcheur non loin des salins du Narbonnais. Ce drôle de pensionné entretient des liens d’affection sincères avec les villageois qui vivent près de chez lui. Du garagiste ancien voleur de voitures jusqu’au boucher fanatique de Johnny Hallyday, en passant par Nanosh (incarné par Gustave Kervern), chacun cultive une folie douce qui contribue à l’atmosphère délicieusement espiègle du long-métrage.
En rupture avec sa vie d’avant, le vieux Grégoire s’est pris d’affection pour le jeune Michel (Timi-Joy Marbot) autiste d’Asperger sans aucun doute beaucoup moins fantasque que lui. Grégoire et Michel ne sont certes pas de la même génération, mais ils sont unis par une belle amitié, l’amour de la nature, ainsi qu’une grande affection pour un ours échappé d’un cirque.
Mythique personnage de maladroit
Il y a quelque chose d’un inventaire à la Prévert dans le nouveau film de Pierre Richard. Les péripéties burlesques s’enchaînent comme à la parade. Certaines répliques bien troussées font mouche comme celle prononcée au détour d’une séquence de pêche à la ligne dans une petite barque immaculée. « On ne peut pas regarder derrière soi dans les yeux si on lui tourne le dos… », déclare sur un ton docte Grégoire à son disciple autiste qui lui rétorque du tac au tac : « Cela ne veut rien dire ! »
Avec bonheur et naturel, Pierre Richard réactive son mythique personnage de maladroit charmeur. Il a vieilli bien sûr, mais il est toujours aussi pertinent en 2025. Surtout, dix-huit ans après Droit dans le mur (1997), en reprenant sa casquette de metteur en scène, l’acteur de La Chèvre, des Compères ou des Fugitifs a instinctivement compris qu’il lui fallait composer avec un autre comédien pour que l’alchimie fonctionne. Le tandem qu’il forge avec Timi-Joy Marbot fournit le cœur battant de cette comédie chorale en forme de jolie chronique de village.
Quant à l’ours qui traverse le film, aussi mal léché soit-il, il convoque cette liberté bougonne, cette force sauvage, en même temps que cette tendresse profonde qui ramène à l’enfance. Une authenticité perdue que Pierre Richard a parfaitement su ranimer dans ce joyeux long-métrage à l’ancienne. À voir en famille.
Passer la publicitéLa note du Figaro : 3/4