Paul Newman aurait eu 100 ans : la star et le philanthrope

Pour sa 51e édition, qui se termine dimanche, le Festival du cinéma américain de Deauville a choisi d’honorer aussi bien les nouveaux visages de Hollywood comme ses icônes. La manifestation normande a ainsi accueilli Kim Novak, l’héroïne de Sueurs froides. Les organisateurs ont aussi programmé une rétrospective dédiée à Paul Newman. La star de La Chatte sur le toit brûlant et de La Couleur de l’argent, disparue en 2008, aurait eu cent ans cette année. « Cet hommage a une saveur particulière. Mon père adorait la France, y a tourné, nous a emmenés passer des vacances là-bas et a participé à de nombreuses courses automobiles, dont les 24 heures du Mans, dont il ne s’est jamais remis d’être arrivé en seconde position », confie sa fille Clea Newman.

La benjamine de Paul Newman, née en 1965 de son union avec Joanne Woodwar, a fait le déplacement à Deauville. L’occasion pour elle de raconter sous un autre jour le monstre sacré. « J’avais probablement cinq ou six ans quand j’ai compris que mon père n’était pas un papa ordinaire, qu’il avait une autre dimension pour beaucoup », se souvient-elle. « Notre vie reposait sur une dualité intéressante : quand mes parents travaillaient, nous vivions à Hollywood, mais quand ils ne tournaient pas, nous rentrions dans le Connecticut. Nous évoluons dans un mélange de célébrité et de fracas, où l’intimité et la vie privée étaient difficiles et la campagne de la Nouvelle-Angleterre ». « Mes parents ont beaucoup œuvré pour que nous ayons une vie normale. Mon père n’aimait pas être sous les feux de la rampe. Il essayait autant que possible de s’en tenir à l’écart. C’était un homme plutôt timide, en fait. »

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Goût conjoint de la vitesse

Le goût de la vitesse a rapproché père et fille. « Comme lui, j’adorais tout ce qui était rapide. Je n’ai jamais fait de course automobile, mais je conduis vite (ce que je ne devrais pas dire). J’adore les chevaux et le saut d’obstacles. J’ai donc passé la majeure partie de mon enfance soit sur un hippodrome, soit dans des concours hippiques auxquels ma famille m’accompagnait. Mon père et moi avions l’esprit de compétition, c’était assez amusant. »

Les cinq films choisis par le Festival de Deauville pour évoquer la carrière de son père, dix fois nommés aux Oscars, résument bien, à ses yeux, ses métamorphoses. « Partager l’affiche d’Une chatte sur un toit brûlant avec Elizabeth Taylor a nourri sa célébrité précoce et contribuer à façonner son image d’homme sexy. Luke, la main froide lui a permis de s’en affranchir et d’afficher son côté rebelle, note Clea Newman. Il s’est trouvé davantage en vieillissant avec des rôles plus mûrs tels Le verdict de Sidney Lumet et La couleur de l’argent de Martin Scorsese pour lequel il a eu son premier Oscar. Avec ces rôles, il est vraiment devenu l’acteur qu’il voulait être. » Le dernier des longs-métrages montrés par le Festival tient une place spéciale dans le cœur de l’avocate. Dans De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites, Paul Newman passait derrière la caméra pour diriger son épouse Joanne Woodward, la mère de Clea.

Depuis le décès de son père Clea Newman avoue avoir du mal à revoir ses films. À l’exception de L’Arnaque où Paul Newman donnait la réplique à Robert Redford. Le duo campe deux escrocs professionnels impliqués dans un complot pour arnaquer un chef de la mafia. «Ce long-métrage ne me rend pas triste. Quand je le regarde, je vois tout le bonheur que mon père a de jouer la comédie avec Robert Redford».

«Il a mis sa popularité au service des autres»

Et la gardienne du temple de poursuivre : «Si mon père a acquis une telle renommée qui a survécu jusqu’à aujourd’hui, c’est parce que c’est un acteur qui ne s’est jamais reposé sur ses lauriers, qui a toujours voulu sortir de sa zone de confort et découvrir d’autres horizons». Clea Newman veut aussi insister sur une facette moins connue de Paul Newman : sa philanthropie. «Il a mis sa popularité au service des autres. Il ne l’a pas fait par devoir. Mais parce qu’il aimait donner en retour».

Dans son discours de remerciements à Deauville, Clea Newman est longuement revenue sur le réseau SeriousFun Children’s. Initiée par son père en 1988, cette communauté mondiale regroupe des camps d’été et programmes de jeu et de loisirs, gérés et financés de manière indépendante, dédiés aux enfants atteints de maladies graves et à leurs familles. Paul Newman avait eu cette initiative et fondé le premier programme - The Hole in the Wall Gang Camp - après avoir rendu visite à un ami proche et constaté la présence dans le service oncologie d’enfants à une époque où les départements pédiatriques étaient peu nombreux. Clea Newman s’est impliquée assez rapidement. «J’étais une toute jeune avocate et je voyais bien que je n’avais pas le cœur suffisamment accroché pour faire carrière. Mes parents réprouvaient l’inaction. Mon père me disait : ’Chérie, tu ne peux pas rien faire de tes journées’, alors j’ai rejoint les rangs des bénévoles». Et de se remémorer: «L’expérience m’a transformée, m’a ouvert les yeux. Avant, j’étais une gamine un peu gâtée». À la fin de sa vie, Paul Newman lui a demandé de prendre les rênes. En France, c’est l’association L’Envol, qui porte le combat du réseau SeriousFun Children’s. Après Deauville, Clea Newman retrouvait à Paris les responsables de L’Envol pour un gala et le projet d’ouvrir une structure d’accueil permanente.