Liban : malgré le cessez-le-feu, les bombes à sous-munition larguées par Israël tuent encore

Trois semaines après l’accord de cessez-le-feu, les populations du Liban du Sud revenues sur leurs terres n’ont pas tout à fait retrouvé une vie normale. Au-delà des immenses destructions – 40 % des bâtiments ont été réduits à l’état de poussière, selon des données satellites –, l’armée israélienne poursuit ses opérations.

Ce 18 décembre, des chars étaient déployés dans la région de Marjayoun et plusieurs immeubles ont été visés dans celle de Tyr. Parfois, ce sont encore des quartiers entiers qui sont démolis. « Il y a beaucoup de dégâts dans les bâtiments, les maisons, les entreprises, les supermarchés. La situation est très difficile, la plupart des habitants ne peuvent pas retourner chez eux. Les frappes aériennes sont nombreuses et les gens ont l’impression que la guerre a recommencé », témoigne pour l’Humanité le chirurgien Omran Fouani, de l’hôpital du Secours populaire libanais de Nabatieh, dont la maison, à Houla (district de Marjayoun), a été détruite. Au total, depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, le 27 novembre, les tirs de drone et les bombardements ont fait au moins 34 morts.

La guerre se poursuit également de façon larvée et insidieuse. L’ONG Mines Advisory Group (MAG) a fourni une première évaluation des bombes à sous-munitions larguées par Israël. Le pays n’a toujours pas ratifié la convention d’Oslo de 2008 sur leur interdiction et en fait un large usage afin d’entraver le retour des populations et maintenir le pays dans un état d’urgence perpétuel, qui ne permet pas de penser l’avenir.

« Les tout premiers jours d’une intervention sont cruciaux, car nous veillons à ce que les familles qui reviennent soient en sécurité et nous recueillons les données et les informations nécessaires sur l’étendue et la nature de la contamination », relève Ali Shuaib, responsable de la liaison avec les communautés au sein du MAG.

Des bombes de la taille d’une pile

À ce jour, les autorités libanaises ont traité plus de 2 300 objets non explosés. Ces « ennemis cachés » de la taille d’une simple pile, difficilement décelables dans les gravats, continueront d’engendrer blessés et morts même une fois le retrait de l’armée israélienne totalement effectif.

La présence d’une seule de ces bombes indique que l’environnement immédiat en est truffé. Impossible dans ces conditions de reprendre l’activité agricole dont dépendent les habitants du Sud dans leur grande majorité. Dans cette région, historiquement délaissée, l’absence d’accès aux terres est synonyme d’accroissement de la pauvreté et des difficultés préexistantes.

Lors de la guerre dans la Syrie voisine, nombre de réfugiés, à la recherche d’un moyen de subsistance, avaient afflué dans les fermes du Liban du Sud, ignorant la menace. Le nombre de victimes avait alors crû considérablement.

À Nabatieh, des sessions d’éducation aux risques ont été mises en place et les zones dangereuses ont été délimitées afin de réduire les risques. « Nous avons également beaucoup investi dans l’éducation aux risques pendant le conflit, afin que les communautés qui rentrent chez elles au moment du cessez-le-feu soient conscientes des risques auxquels elles sont confrontées », confirme le directeur national du MAG, Sylvain Lefort.

Absence de distinction entre cibles civiles et militaires

Après la précédente guerre, en 2006, plus de 400 victimes, dont un tiers d’enfants peu conscients des risques au sein des décombres, avaient été recensées du fait de ces bombes à sous-munitions. À l’époque, 4 millions de bombes avaient été larguées dans les soixante-douze dernières heures du conflit. Un nombre qui confirme que ces engins sont totalement intégrés à la stratégie d’Israël, qui ne fait aucune distinction entre cibles civiles et militaires.

C’est précisément le caractère non discriminant de ces bombes qui avait motivé les signataires de l’accord d’Oslo en 2008. « À cause de leur large spectre de dispersion, les bombes à sous-munitions ne devraient jamais être utilisées dans des zones peuplées », rappelait à cet égard Kenneth Roth, l’ex-directeur exécutif de Human Rights Watch, après la guerre de 2006. Selon lui, le taux élevé (14 %) d’échec initial des bombes utilisées par Israël les transforme de fait en mines antipersonnel une fois que les armes se sont tues.

Après les conflits des années 1980, 1990 et 2006, le Liban a déjà un lourd bagage en termes de mines terrestres et de bombes à sous-munitions. Au total, on estime à plus de 400 000 le nombre de mines posées sur la ligne bleue tracée par l’ONU lors du retrait d’Israël du Liban en 2000, qui marque la fin de l’occupation, soit un champ de mines sur 120 kilomètres, compliquant le travail de la Force intérimaire des Nations unies au Liban.

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