Cash investigation : enquête sur les liaisons dangereuses entre business et politique
Que des serviteurs de l’État mettent leurs compétences acquises au service du peuple à celui du capital est aussi vieux que le terme de pantouflage. Le terme, qui à l’origine désignait les élèves de Polytechnique choisissant le confort salarial du privé, est aujourd’hui surtout destiné aux ministres délaissant l’État pour faire fructifier leur expérience. Il s’agit surtout de « faire profiter de son carnet d’adresses », avance le consultant Jean-Marc Leroy dans ce nouveau numéro du magazine Cash investigation.
Il n’y a jamais eu autant de cas que « depuis l’élection d’Emmanuel Macron », pointent les journalistes : sur 51 ministres issus des gouvernements précédents, 26 sont partis travailler dans le privé, et plusieurs en contradiction avec les règles d’éthique.
Pantouflages et conflits d’intérêts
Muriel Pénicaud, ex-ministre du Travail, a intégré le conseil d’administration de Galileo, acteur majeur de l’apprentissage, secteur pour lequel elle avait débloqué en tant que ministre référence 20 millions d’euros ; l’ancien ministre de la Santé Olivier Véran, après avoir fait adopter la réforme du 100 % santé, a rejoint celui de Lunettes pour tous, qui a basé sa réussite sur ce modèle… Les exemples sont nombreux, mais la rédaction s’est surtout intéressée au cas de l’ancien secrétaire au Numérique, Cédric O.
Trésorier de Macron durant sa première campagne, conseiller à l’Élysée avant de rejoindre le gouvernement Castex, il représente la « start-up nation » dans toute sa splendeur. Le film raconte comment, en donnant un coup de pouce de 176 euros à Mistral AI, une entreprise spécialisée dans l’intelligence artificielle générative, il en a tiré un bénéfice de… 27 millions ! C’est qu’en mettant à profit ses contacts, y compris ceux qu’il n’avait plus le droit de mobiliser (ses anciens collègues du gouvernement), il a fait modifier la loi et favoriser la société pour laquelle il est devenu lobbyiste…
Si le président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, Didier Migaud, reste mesuré, d’autres n’hésitent pas à parler de conflit d’intérêts : « Ça jette un trouble sur l’action gouvernementale, estime la sénatrice centriste Catherine Morin-Desailly. Il s’est enrichi. S’il avait eu un peu d’éthique et de déontologie, il se serait mis en retrait. »
Un « drôle de patriote »
La deuxième partie de l’émission prend le problème de cette intrication entre business et politique à revers, en s’intéressant au milliardaire Pierre-Édouard Stérin. Un « drôle de patriote », qui prétend « redresser la France » en exilant fiscalement son foyer en Belgique et sa société SmartBox en Irlande.
Lui a mis son argent au service d’un projet politique, Périclès, visant à favoriser l’émergence et l’implantation d’un écosystème de droite et d’extrême droite aux élections, notamment via une école de formation, Politicae, qu’une journaliste a infiltrée. Terrifiant. Mais ce « mélange des genres » n’est-il pas encouragé par un défaut d’exemplarité des serviteurs de l’État ?
Cash investigation. Politique et business : les liaisons dangereuses, France 2, 21 h 10, mardi 24 juin.
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