Références cinématographiques, réalisateurs réputés... Comment Mylène Farmer s’est hissée à Cannes avec ses clips

« Vous savez j’ai une philosophie : je préfère manger des pâtes tous les jours et m’offrir ce genre de choses [de clips], de cinéma » confiait la chanteuse Mylène Farmer au micro d’Antenne 2, en 1989. Si durant sa carrière l’interprète de Sans Contrefaçon a privilégié la scène plutôt que les plateaux de tournages, l’artiste aux 30 millions de disques vendus a toujours soigné l’esthétique de ses clips, en faisant appel à des cinéastes réputés et en incorporant de nombreuses références cinématographiques. Alors que la chanteuse va ouvrir la 78e édition du festival en interprétant un titre inédit et qu’elle défendra son rôle dans le film Dalloway de Yann Gozlan, retour sur ses références cinématographiques et son implication dans ses clips .

Un univers influencé par Kubrick et Disney

« Mylène Farmer voulait être actrice avant d’être chanteuse. Dès le départ, elle s’est démarquée avec ses longs clips scénarisés à l’esthétique sombre » raconte au Figaro, Thibaud Carayol, fondateur du podcast Le Jour Pop et fan de la chanteuse. Avec Libertine sortie en 1986, l’artiste décroche son premier grand tube et marque les esprits avec son clip de plus de 10 minutes. Réalisée par son cinéaste fétiche Laurent Boutonnat, la vidéo plonge le spectateur au XVIIIe siècle avec des scènes de duels et de débauches.

Influencé par Les Duellistes, le premier long-métrage de Ridley Scott, le clip de Libertine est aussi grandement inspiré de Barry Lyndon de Stanley Kubrick. On y retrouve l’ambiance du Siècle des Lumières, et des séquences éclairés à la bougie. « Dès Libertine, il y a tout. Il y a des scènes d’actions, de la tension, du sexe. Il y a beaucoup d’audace et une imagerie forte », explique le podcasteur. Jusqu’au milieu des années 1990, chaque clip de Mylène Farmer est semblable à des courts-métrages où les références suggérées ou assumées sont légion. Dans Tristana de 1987, la chanteuse et Laurent Boutonnat puisent dans l’univers de Blanche-Neige et les Septs Nains de Walt Disney. Mais contrairement au dessin d’animation, la fin est tragique. L’histoire est transposée dans un autre univers, celui de la Russie révolutionnaire et à la fin, l’héroïne meurt. Pour son tube Sans Contrefaçon, Mylène Farmer incarne un pantin de bois, ce qui n’est pas sans rappeler le Pinocchio de 1940 de Walt Disney.

Certaines séquences du clip de Désenchantée diffusé en 1991, s’apparentent à des passages d’Oliver Twist de David Lean projeté en 1948 tandis que la mousse du clip de l’Instant X est un clin d’œil au film horrifique The Blob de Chuck Russell. À partir du milieu de la décennie, les clips de Mylène Farmer se transforment, « Ils deviennent plus courts et plus contemporains. Ils sont plus conformes à l’époque. Mais à chacun de ses retours, un clip sort du lot », précise Thibaud Carayol. Parmi les plus récents, on peut mentionner City of Love mis en ligne en 2016 et réalisé par le metteur en scène Pascal Laugier dans laquelle la chanteuse est méconnaissable : « Psychose et Les Oiseaux du maître Hitchcock, Cabal de Clive Barker [...] mais aussi Le Labyrinthe de Pan de Guillermo del Toro ou Edward aux mains d’argent de Tim Burton. City of Love convoque plusieurs références majeures du cinéma » analyse le site web AlloCiné.

Des cinéastes réputés et des clips grands budgets

L’aspect cinématographique des clips de Mylène Farmer s’explique par la présence de réalisateurs reconnus du septième art. Parmi eux, on peut citer Luc Besson qui a réalisé le Que mon cœur lâche en 1992, l’américain Abel Ferrara (The King of New York) pour California en 1995 ou le cinéaste Hongkongais Ching Siu-tung (Duel to the Death) qui l’a filmé dans le clip de L’Ame-Stram-Gram en 1999. Dans les années 2010-2020, la chanteuse a fait appel à Olivier Dahan (La Môme), Pascal Laugier (Martyrs) ou même Mélanie Laurent, qu’elle a rencontré au Festival de Cannes en 2021. « C’est elle qui va chercher les réalisateurs comme Ferrara ou Laugier, c’est elle qui finance souvent ses clips. C’est sa passion, elle adore ça ! » confie le podcasteur du Jour Pop.

Avec des budgets de plusieurs centaines de milliers de francs ou d’euros actuels, les clips de Mylène Famer font figure de « superproductions ». En 1999, son clip LÂme-Stram-Gram a coûté 900 000 euros et est devenu le clip français le plus cher de l’histoire. Sortie une dizaine d’années plus tôt, Pourvu qu’elles soient douces, a nécessité plus de 3 millions de francs (environ 500 000 euros) et rassemblé plus de 600 figurants. « Depuis une dizaine d’années, il y existe une “hype” autour de Mylène Farmer, rapporte Thibaud Carayol. Le cinéma la regarde moins de haut, à tel point que personne n’a remis en cause sa venue à Cannes cette année. »