INTERVIEW. Tour de France femmes : "Si on prend le maillot jaune dès Plumelec, on sera prêt à le conserver", assure l'équipe FDJ-Suez qui vise la victoire finale

Une équipe française remportera-t-elle le Tour de France femmes 2025 ? La favorite à la victoire finale porte en tout cas les couleurs de la formation FDJ-Suez. Demi Vollering sera au centre des regards dès le Grand Départ de Vannes, samedi 26 juillet. La Néerlandaise, vainqueure de l'édition 2023 et battue pour seulement quatre secondes en 2024, sera épaulée des deux coureuses françaises avec le plus de références sur l'épreuve. Evita Muzic, 4e l'an dernier, et Juliette Labous, 4e en 2022, se mettront à son service.

"On ne va pas se mentir. Même si la concurrence est très forte. On y va pour gagner. On va tout mettre en place pour ramener le maillot jaune", annonçait Stephen Delcourt mi-février au cours d'une grande messe devant la presse. Le manager de l'équipe poitevine persiste et signe à franceinfo: sport, tout en revenant sur le déroulé de cette saison 2025 qui a vu FDJ-Suez franchir un cap.

Franceinfo: sport : Comment l'équipe a-t-elle digéré son nouveau statut au sein du peloton ?

Stephen Delcourt : Je pense qu'on digère bien. Avant, il n'y avait qu'aux championnats de France où toute la pression était sur nos épaules. Cette année, on l'a depuis le Het Nieuwsblad (début mars). Tout le monde attend qu'on prenne la course en main ou qu'on réagisse quand une échappée se forme. On a appris très vite. Le Tour de Valence et les Strade Bianche ont été deux victoires très importantes dans la construction de notre saison. On a pris le "lead" rapidement.

On a impressionné nos adversaires à la fois par notre force collective et le sacrifice de nos leaders. Juliette [Labous] et Evita [Muzic] se sont mises au service de Demi [Vollering]. Sur d'autres courses, Demi a tenté des choses pour laisser une opportunité aux autres. Tout ça fait qu'aujourd'hui, la pression a vraiment baissé. On accepte [ce nouveau statut], ça fait partie du jeu. Et c'est retranscrit au classement mondial. Depuis quatre semaines de suite, on est l'équipe numéro un mondiale. Cette pression est toujours plus acceptable qu'attendre les fautes de nos adversaires.

Avez-vous senti un changement de regard et de considération de la part des autres équipes du peloton ?

Oui, de la part des autres équipes, des autres cyclistes, féminins ou masculins, et des journalistes. On était quatrième, cinquième et sixième mondial les trois dernières années. On faisait partie des belles équipes mais on ramassait les miettes de Trek et de SD-Worx. On gagnait quand les autres se rataient ou quand ils n'alignaient pas leur meilleure équipe. Le recrutement de Juliette [Labous], tout le monde a trouvé ça normal. "Ah, ils vont franchir un cap en mettant les deux meilleures Françaises ensemble". Le recrutement de Demi a montré qu'on n'était pas juste une équipe française. Le cyclisme masculin français avait connu de gros recrutements avec Peter Sagan (à TotalEnergies) ou Joseba Beloki (à Brioches La Boulangère), mais ils étaient déjà sur le déclin.

Nous avons franchi un cap. La cellule marketing a su créer le buzz. Il y a eu la signature de Specialized, qui est le velo numéro 1 au monde, celle de Nike... Cet hiver, on a planté le décor. A partir de là, j'ai vu beaucoup de curiosité de la part des adversaires mais aussi du cyclisme masculin. A la présentation du Tour de France, on m'a demandé : "Mais comment tu fais avec un si petit budget pour créer tout ça ? Comment une équipe française peut-elle tout faire en anglais ?". On avait posé les prémices et après, quand on gagne, ça marque le respect. Maintenant, le plus dur reste à faire.

Comment l'intégration de Demi Vollering s'est-elle passée ? Au contraire d'une Juliette Labous qui n'est pas totalement dépaysée, c'était un grand pas pour elle...

Je la sens épanouie. Je la sens partie intégrante de l'équipe. Les questions qu'elle pouvait se poser avant de signer son contrat, je pense qu'elles n'existent plus. On a su la faire gagner très vite et créer un collectif autour d'elle. Jamais une leader, homme ou femme, n'avait changé d'équipe comme ça. Au-delà de son statut, elle est venue sans coéquipière et sans staff. Nous avons eu de longues conversations à ce sujet. L'équipe était déjà prête à l'accueillir. Après, nous avons amélioré des choses grâce à elle, sur de belles recommandations. On peut toujours faire mieux.

Êtes-vous satisfait de cette saison 2025, sur le plan des résultats comme sur le plan tactique ?

Le bilan de la saison est excellent. On a très bien couru alors qu'on a bougé un tiers de l'effectif, comme tout le monde dans le peloton. La mayonnaise a pris beaucoup plus vite qu'ailleurs. Avant la saison, au moment de comparer nos points après recrutement, on était troisième mondial. SD-Worx et Canyon//SRAM, avec leur recrutement, étaient meilleures que nous si on prenait les résultats de leurs coureuses en 2025. SD-Worx était devant nous sans même compter le retour d'Anna van der Breggen, parce qu'elle était à zéro point en 2024. Aujourd'hui, on est numéro 1 mondial et SD-Worx est juste derrière.

Il y a aussi des choses que nous n'avons pas réussi à accomplir.  On a bien couru sur les Ardennaises. On fait 2e de La Flèche wallonne, 4e de l'Amstel Gold Race, 3e de Liège-Bastogne-Liège... Ce n'était pas parfait tactiquement. On a corrigé ça le lendemain de Liège. On a parlé à Juliette, Evita et Demi, évoqué ce qu'on aurait dû faire et ce qu'on a mal fait. Tout avait tellement bien marché à Valence et sur les Strade, que nous étions restées sur cette ambition de tout contrôler, mais nos adversaires ont changé un peu leur tactique. On s'est adaptées et on a gagné toutes les courses espagnoles, et en juin on a retenté des choses, avec des prises de risques. Sur le Tour de France, on devra se réinventer tactiquement parce que nos adversaires vont le faire également.

Qui jouera le rôle du dernier relais en montagne, Evita Muzic ou Juliette Labous ?

Les deux. Ça dépend à la fois de leur état de forme à l'instant T. Il n'y a pas de hiérarchie. Ce sont deux profils différents.

Vous assumez votre volonté de remporter ce Tour de France. L'équipe est-elle capable de prendre le maillot jaune très tôt et de le défendre sur plusieurs jours ?

Si demain, l'équipe prend le maillot jaune à Plumelec, sur une étape qui nous correspond, mais aussi à d'autres équipes, on sera les plus heureux. On sera prêt à le conserver. Et si nous nous retrouvons dans la peau d'outsiders, on sera en mode loups pour aller le chercher.