Rassemblement express, état de forme disparate, enjeu maximal : le casse-tête permanent de Deschamps et des Bleus
La situation ne le surprend même plus et Didier Deschamps affiche même désormais une forme de résignation. À l’été 2026, le sélectionneur des Bleus quittera son poste après la Coupe du monde aux Etats-Unis-Mexique-Canada et s’il y a bien une chose qu’il ne regrettera pas de sa fonction suprême, c’est le manque de temps à disposition de ses joueurs. En poste depuis 2012, il constate au fil des années, impuissant, le rétrécissement des rassemblements, les préparations tronquées et le poids grandissant des clubs au détriment des sélections. « Ce sera de pire en pire », avoue-t-il, conscient de devoir s’adapter en permanence, sans aucune autre solution.
Deux entraînements au complet seulement avant de défier l’Espagne
Pour défier l’Espagne, championne d’Europe en titre en juillet 2024 après avoir notamment écarté les Bleus en demi-finale à Munich, qui a vu le PSG être sacré samedi dernier en Ligue des champions, le sélectionneur des vice-champions du monde a eu en tout et pour tout deux entraînements avec son effectif complet de vingt-cinq éléments. Et encore, l’un s’est déroulé mardi à Clairefontaine, après le retour tardif lundi soir des sept joueurs concernés par la finale de C1 (Hernandez, Zaïre-Emery, Barcola, Doué, Dembélé, Doué, Pavard, Thuram), et l’autre mercredi à la Stuttgart Arena, en veille de match, ce qui s’apparente plus à un dernier échauffement qu’une séance tonique. Impossible dans ces conditions d’imaginer mettre en place quelque chose ou travailler un point précis dans l’idée de surprendre la Roja. Une situation propre à tous les techniciens des «grandes» sélections internationales.
Deschamps peut-il se priver de Dembélé et Doué ?
« On s’adapte, encore et toujours, cela ne changera pas », répète, presque las, à quasi chacune de ses interventions médiatiques le double champion du monde (1998, 2018). Sur l’euphorie, les cinq parisiens, s’ils sont amenés à jouer d’entrée de jeu ou en cours de rencontre, peuvent parfaitement faire basculer la demie sur un geste, à l’image de la finale de Dembélé, Doué ou encore Barcola contre l’Inter. Et Deschamps a aussi la chance de compter sur un réservoir conséquent avec des éléments de qualité (Mbappé, Olise, Cherki, Rabiot, Tchouaméni, Koné…). Mais il aurait apprécié avoir plus de latitude en vue d’un tel rendez-vous, qui peut offrir aux Bleus un nouveau trophée en cas de victoire jeudi, puis en finale dimanche contre le vainqueur de Portugal-Allemagne.
Le Real Madrid plus fort que les Bleus
Pour tenter de combler l’arrivée tardive des finalistes européens, Deschamps et son staff ont tenté d’avoir à disposition le reste du groupe dès vendredi à Clairefontaine. Raté. Dans le calendrier international, les clubs avaient le loisir de ne mettre à disposition leur joueur qu’à partir du lundi 2 juin. Solution choisie par le Real Madrid, qui n’a libéré Kylian Mbappé et Aurélien Tchouaméni, capitaine et vice-capitaine de la sélection, que lundi midi. Jusqu’au bout, le staff français a tenté de faire infléchir le plus grand club du monde, sans succès.
Chacun défend ses positions. Les clubs scrutent le moindre jour de repos auxquels ont droit leurs protégés et avec un mail adressé à la fédération française, ils se couvrent en avançant qu’ils sont dans les clous, ce qui est vrai. Une attitude qui ne prévaut pas que pour les clubs étrangers. Chez les Espoirs de Gérald Baticle, qui préparent l’Euro, des clubs comme Lille et Rennes ont refusé que leurs joueurs (le Lillois Ayyoub Bouaddi, le Rennais Kalimuendo) y participent. Une mascarade déjà entrevue pour les JO de Paris, avec un tournoi de football non-inscrit dans le calendrier Fifa. Qu’il est déjà très loin l’esprit olympique…
Une fenêtre internationale bientôt supprimée ?
Sur l’arrivée tardive des Madrilènes, Deschamps a tenu à préciser que Mbappé et Tchouaméni » « voulaient venir dès aujourd’hui (vendredi), mais le Real est leur employeur et respecte le cadre réglementaire ». Circulez, il n’y a rien à voir. Ainsi va la vie des sélections aujourd’hui, « parents pauvres » d’un calendrier dantesque ou les clubs ont pris le pouvoir. Selon nos informations, les instances internationales réfléchiraient même à supprimer la fenêtre internationale de septembre dans un avenir pas si lointain.
Entre ceux qui enchaînent et les autres qui se trouvaient en congés depuis la fin des championnats européens, à l’image des joueurs évoluant en Ligue 1 depuis le 17 mai (Chevalier, Samba, Rabiot, Cherki), le staff a fait en sorte que ces derniers suivent un programme physique quotidien pour ne pas arriver à court de forme vendredi dernier. « C’est du dosage permanent, observe Guy Stéphan, l’adjoint de Didier Deschamps. Les joueurs internationaux jouent trop, c’est une réalité, mais une fois que l’on a dit cela, rien ne change. D’autres ne jouent pas assez, mais pour les Bleus, comme d’autres, c’est la rançon de la gloire. »
Dans quel état les joueurs vont-ils débarquer à la coupe du monde 2026 ?
Ce qui inquiète le sélectionneur français, pas seulement lui d’ailleurs, est encore très loin dans l’esprit du grand public. Mais pour le technicien basque, le décompte est déjà enclenché. Cela concerne la prochaine coupe du monde 2026 (11 juin-19 juillet), à laquelle il faudra se qualifier avec des matches prévus entre septembre et novembre (Ukraine, l’Islande et l’Azerbaïdjan). « C’est un sacre casse-tête, avance son adjoint. Depuis qu’on est là en 2012, les périodes de préparation se raccourcissent et on serait étonné que ce ne soit pas le cas l’année prochaine si on est qualifié. »
À titre d’exemple, la finale de Ligue des champions 2026 est déjà programmée au 30 mai à Budapest. Onze jours plus tard, sans compter le décalage horaire, le trajet ou les changements de température, les Bleus pourraient entrer dans la compétition. Autant dire que la préparation s’annonce déjà minime. Ubuesque. Et qui pose déjà question au regard du dernier Euro, avec des stars internationales (Mbappé, Griezmann, De Bruyne, Fernandes…) passées à côté de leur rendez-vous et émoussées physiquement. La route est encore (très) longue. L’équipe de France n’y est pas et pense avant tout à ses retrouvailles avec l’Espagne, son bourreau de 2024 et d’un Lamine Yamal élu homme du match le 9 juillet dernier. Avec quelle équipe et des joueurs dans quel état ? Réponse jeudi soir, 20h45.