Candide au Théâtre de Poche-Montparnasse : classique sans rides

Le rideau s’ouvre en Westphalie dans le plus beau de tous les châteaux du monde. Candide incarné par Charles Templon fait voler son cerf-volant et nous raconte ce qu’il observe de la vie au château : le Baron Thunder-ten-tronckh répète à qui veut l’entendre qu’il est riche, tandis que la baronne, par son opulence, se suffit à elle-même. Leur fille Cunégonde, jolie jeune femme curieuse et naïve a un frère qu’on ne verra pas beaucoup mais qui semble très entiché de sa noblesse. Candide est follement amoureux de Cunégonde. Les deux adolescents se voient dispenser des cours de « métaphysico-théologo-cosmolonigologie » par Pangloss, le précepteur. Ce dernier leur enseigne que « tout est au mieux dans le meilleur des mondes possibles, il n’y a point d’effet sans cause », et Dieu est le grand ordonnateur des causes et des effets.

Alors qu’elle surprend Pangloss et la baronne en « plein cours de physique expérimentale », Cunégonde, incarnée par Cassandre Vittu de Keraoul, brusquement émoustillée se tourne vers Candide, devenu « la cause de mes effets ». Dans une chorégraphie drôle et désordonnée, leurs ébats provoquent la foudre du baron qui chasse Candide du château à grands coups de pieds dans le derrière. Le périple de Candide commence.

Didier Long, de retour au Poche-Montparnasse, fait le pari réussi du théâtre de tréteaux pour la mise en scène. Des panneaux en bois encadrent la scène pour servir au fil de la narration de murs, de décor de rue, de carte postale. Ils laissent entrevoir un coin de ciel peint sur une toile tendue en arrière-plan. Un poteau est planté au milieu de la scène, qui sera tour à tour un peloton d’exécution, le mât d’un bateau, une séparation entre Candide et Cunégonde.

L’innocence mise à l’épreuve du monde

Le héros voltairien incarné par Charles Templon est à mi-chemin entre Peter Pan et le Petit Prince. Il garde une allure enfantine qui grandit dans sa confrontation au monde, voyage de pays en pays découvrant de nouvelles façons de voir l’humanité. La quête reste Cunégonde. Il l’aperçoit dans chaque femme qu’il croise. Et pour cause, Cassandre Vittu de Keraoul joue tous personnages féminins de la pièce. Et quelques autres masculins. Sylvain Katan est drôle et cynique en Pangloss, en garde bulgare ou encore en Martin le libraire hollandais.

L’auteur de la pièce n’a que très peu adapté le roman à notre époque puisqu’il n’en a pas eu besoin. Candide est un roman qui questionne les rapports sociaux « Les hommes sont des insectes se dévorant les uns, les autres », la cupidité « Je ne comprends pas l’envie de posséder toujours plus de ces fausses valeurs qui masque de façon trompeuse les vraies richesses » , le courage « - De quel camp es-tu ? - Du camp de ceux qui ont peur ». C’est aussi une histoire de fidélité. Fidélité à une femme, à un château et à une terre. Et une ode à l’humanité. Candide est vivant sur scène, sur son petit nuage personnel avec cette subtilité inconsciente qui lui permettra de s’enrichir de chacune de ses rencontres.

> > Candide ou l’Optimisme de Voltaire, mise en scène de Didier Long, au Théâtre de Poche-Montparnasse (Paris, 6e). Du mardi au samedi à 21h ; le dimanche à 17h ; jusqu’au 4 mai.