Donald Trump donne 100 jours à son émissaire pour mettre fin à la guerre en Ukraine

La guerre d’Ukraine, entamée par la Russie en 2014, devait être résolue «en vingt-quatre heures», selon Donald Trump. Il s’est ravisé, au cours de sa campagne, en annonçant plutôt «quelques semaines». «L’une de ses priorités absolues sera de mettre rapidement fin à la guerre d’Ukraine», avait certifié son directeur de campagne, Steven Cheung, en juillet dernier. Le président, investi lundi, avait même décrit sa méthode sur Fox News  : il appellerait Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine avec qui il entretient de «bonnes relations». «Je dirais à Zelensky : ça suffit, tu dois conclure un marché». «Et je dirais à Poutine : si tu ne conclus pas d’accord, nous allons donner beaucoup (à l’Ukraine, NDLR). Plus que ce qu’ils n’ont jamais reçu si nous le devons»

Si le délai, fantaisiste, d’une journée pour régler l’un des conflits majeurs du début du XXIe siècle a été dépassé, force est de constater que Donald Trump semble prendre sa résolution au sérieux. «Zelensky veut passer un accord. Je ne sais pas si Poutine le souhaite, peut-être pas. Il devrait le faire. Je crois qu’il est en train de détruire la Russie en ne trouvant pas un règlement», a-t-il lancé dans le Bureau Ovale quelques heures après son entrée en fonction. «La Russie court au-devant de gros problèmes. Regardez l’économie, l’inflation», a-t-il ajouté. Elle dépasse, en effet, près de 9,5%, le troisième taux le plus élevé parmi les cinquante plus grandes économies du monde. La banque centrale russe a dû augmenter ses taux d’intérêt à 21%, et le rouble, la monnaie russe, a perdu 8% face au dollar en novembre.

«Paix durable» plutôt que «brève trêve»

Comme pour mettre en œuvre sa stratégie, Donald Trump a annoncé mardi que de nouvelles sanctions contre l’économie russe sont «probables». «Nous allons nous entretenir très bientôt avec le président Poutine, et nous verrons ce qui se passera», a-t-il fait savoir. Une première entre les chefs d’États américain et russe depuis l’invasion à grande échelle du 24 février 2022. Toutefois, sur le pan militaire, l’avantage demeure au Kremlin qui ne cesse d’avancer dans le Donbass, menaçant désormais les villes de Pokrovsk et Toretsk, capitales dans le dispositif défensif ukrainien. L’intérêt pour Vladimir Poutine, qui a réussi à trouver des parades économiques face aux sanctions occidentales, de négocier ne semble donc pas évident. Dans son message de félicitations au président américain, il a tout de même fait savoir «être ouvert au dialogue» et rechercher «une paix durable» plutôt qu’une «brève trêve»

«Près de 1 million de soldats russes et environ 700.000 soldats ukrainiens ont été tués», a expliqué Donald Trump ce lundi. «La Russie est plus grande – elle a plus de soldats à perdre –, mais ce n’est pas une façon de diriger un pays», a-t-il ajouté. Les estimations occidentales, jusqu’à présent, étaient assez différentes : 80.000 tués ukrainiens et 200.000 Russes, par exemple, selon le Wall Street Journal en septembre dernier. Quoi qu’il en soit, le président américain, fidèle à sa méthode de pression sur son adversaire au cours d’une négociation, semble instiller un doute sur ses intentions. D’un côté, il propose un entretien téléphonique à Vladimir Poutine, de l’autre il menace de nouvelles sanctions et d’augmenter l’aide à l’Ukraine. La carotte et le bâton, qu’il utilise aussi à l’encontre de Kiev. Il a ainsi suspendu toute aide étrangère américaine pour trois mois. Kiev recevait ainsi quatre milliards de dollars, utilisé surtout pour reconstruire et moderniser son système énergétique, ciblé par des frappes russes.

Plusieurs observateurs penchaient, avant son investiture, pour une augmentation importante de l’aide militaire et financière américaine. Ainsi, les États-Unis amélioreraient la posture de l’Ukraine dans une éventuelle négociation. À date, leur soutien atteint près de 100 milliards de dollars, depuis le début de l’invasion, selon le Kiel Institue, qui fait référence. Mais il ne reste que peu d’outils escalatoires à Donald Trump, la précédente administration ayant autorisé successivement la livraison de chars, d’avions de combat, et finalement les frappes en profondeur à l’aide de missiles de longue portée ATACMS. Une intensification de l’aide militaire ou financière se heurterait enfin aux difficultés de recrutement de l’Ukraine.

Un accord difficile à trouver

Mais le contenu d’un éventuel accord autour du conflit ukrainien demeure inconnu. Volodymyr Zelensky a énoncé ses conditions à de multiples reprises : retrait de la Russie de tous les territoires occupés (près de 20% du pays), indemnisation et traduction des criminels de guerre en justice. Le Kremlin de son côté a fait savoir qu’il conserverait ses gains territoriaux, d’autant que celles-ci sont officiellement des régions russes, depuis leur annexion à la suite de référendums non reconnus par le droit international. En sus, elle réclame «la démilitarisation» et la «dénazification» de l’Ukraine, ainsi qu’un engagement à ne pas rejoindre l’Otan ou l’Union européenne. Une porte ouverte à une nouvelle invasion pour les autorités de Kiev, qui veulent de solides garanties de sécurité face à Moscou. Le président ukrainien a demandé une force de maintien de la paix européenne «d’au moins 200.000 hommes», ce mardi au forum de Davos. «C’est le minimum, sinon ça ne sert à rien», a-t-il dit.

Donald Trump a nommé un émissaire spécial à qui il a donné cent jours, révèle ce mercredi le Wall Street Journal , pour résoudre le conflit : le général Keith Kellogg. «Presque personne pense qu’il puisse y parvenir, surtout les Russes», commente, sceptique, le quotidien américain. En avril 2024, ce vétéran du Vietnam âgé de 80 ans avait publié son plan : fixer la ligne de contact comme une ligne de démarcation, et donc reconnaître de facto leur occupation par la Russie, repousser l’adhésion à l’Otan de l’Ukraine de vingt ans en échange de solides garanties de sécurité américaines. Les sanctions contre la Russie seraient progressivement levées. De son côté, l’actuel vice-président américain, JD Vance, avait précisé sa vision de la paix en Ukraine auprès du podcast Shawn Ryan Show en septembre dernier. Le règlement pacifique du conflit «ressemble probablement à la ligne de démarcation actuelle entre la Russie et l’Ukraine qui deviendrait une sorte de zone démilitarisée». Celle-ci serait fortement fortifiée afin de dissuader la Russie d’attaquer de nouveau, et sous surveillance de troupes européennes, selon le Wall Street Journal . L’adhésion à l’Otan serait, là aussi, écartée. 

Sans même parler de Moscou, reste à savoir si l’Ukraine, soumise à la guerre lancée par la Russie en 2014, accepterait un tel accord. En effet, en 1994, la Russie s’était engagée, via le mémorandum de Budapest, à respecter les frontières ukrainiennes en échange du désarmement nucléaire de Kiev. Le Royaume-Uni et les États-Unis étaient garants de l’accord. Ce qui n’a pas empêché Vladimir Poutine de conquérir 20% de l’Ukraine vingt ans plus tard.