Depuis vingt-quatre heures, Abdelkader Lahmar suscite un tollé. En l’espace de quelques heures dans l’hémicycle, le député insoumis a enchaîné ce jeudi 30 octobre deux formules vivement décriées à l’occasion des discussions autour de la résolution du RN visant à dénoncer les accords de 1968 avec l’Algérie. L’élu de nationalité franco-algérienne a d’abord qualifié de «traîtres» les harkis, s’alignant sur la rhétorique héritée du FLN et de décennies de rancune contre ceux qui, durant la guerre d’indépendance d’Algérie, ont choisi de soutenir l’armée française.
Le député de la France insoumise s’est à nouveau distingué en qualifiant Hanane Mansouri, députée de l’Union des droites, parti d’Éric Ciotti, de «caution». Selon lui, ses origines marocaines feraient d’elle une figure de légitimation pour la droite sur la question algérienne. Ces propos ont été dénoncés comme racistes par de nombreux députés. Hanane Mansouri a déclaré au JDD qu’elle avait l’intention d’adresser un courrier à la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, pour demander «une sanction exemplaire».
Passer la publicitéCes sorties polémiques d’Abdelkader Lahmar, 54 ans, s’inscrivent dans le sillage de nombre de ses déclarations passées. Très actif sur les réseaux sociaux, l’élu du Rhône a multiplié depuis son élection en juillet 2024 les prises de position sur les sujets de société liés à la laïcité, à la police et au conflit à Gaza.
Sur son blog, le député explique que son engagement citoyen, déclenché par un événement précis, remonte à bien avant son entrée en politique : en 1990, il s’était ému de la mort de Thomas Claudio, 21 ans, percuté par une voiture de police dans son quartier de Vaulx-en-Velin, où Abdelkader Lahmar est lui-même né. Il crée alors une association locale destinée à lutter contre l’échec scolaire. Ce premier engagement marque également le début de relations conflictuelles avec les forces de l’ordre, qu’il continue de critiquer régulièrement.
Le député LFI dénonce un «acharnement» de la police
En mars 2025, Abdelkader Lahmar dénonce à l’Assemblée nationale un «acharnement» des forces de l’ordre contre les jeunes des quartiers populaires, rapporte le média Lyon Mag . Il a notamment dénoncé le traitement des jeunes à Rillieux-la-Pape, accusant la police municipale et certaines unités de la police nationale, notamment la BST, de harcèlement. Selon lui, ces jeunes seraient «verbalisés plusieurs fois par jour, souvent par vidéosurveillance, pour des incivilités mineures et peu justifiées». Face à ces accusations, le maire de Rillieux, Alexandre Vincendet, n’avait pas tardé à réagir : «D’après son raisonnement, quand vous pourrissez la vie des habitants de la commune, squattez des halls d’immeuble, laisser des détritus ou consommez de la drogue, il ne faut pas verbaliser ? S’ils respectent les règles, ils n’ont pas d’amendes et tout va bien», avait-il répliqué au média lyonnais, en reprochant au député insoumis de se «placer du côté des délinquants».
En juillet 2025, Lahmar a de nouveau dénoncé des abus des forces de l’ordre. Il avait écrit au ministre de l’Intérieur pour critiquer le fichage « S » de citoyens français après une marche pour Gaza. Selon le député insoumis, ces personnes étaient des manifestants pacifiques, et leur inclusion dans le fichier « S » relevait d’une criminalisation injustifiée de l’engagement citoyen, explique le média Lyon Mag .
«L’islamophobie tue en France»
Abdelkader Lahmar s’est également fait connaître pour ses prises de position sur la laïcité et le port du voile à l’université. Alors qu’en janvier 2025, le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau s’était prononcé en faveur d’une interdiction du voile islamique à l’université (le gouvernement ne l’avait pas suivi), le député insoumis, qui a lui-même enseigné pendant 30 ans l’économie-gestion au lycée professionnel Les Canuts dans sa ville natale, s’est vivement opposé à ce projet, dénonçant une stigmatisation des jeunes filles musulmanes.
L’insoumis est plus largement en pointe contre dans la lutte contre ce qu’il appelle «l’islamophobie», thème sur lequel le député se montre particulièrement actif. En avril 2025, suite à l’assassinat d’Aboubakar Cissé, 22 ans, dans une mosquée du Gard, il s’est vivement pris à François Bayrou à l’Assemblée nationale : «Ce meurtre n’est pas un accident. Il est l’aboutissement d’un climat de haine que vous laissez prospérer, jour après jour. Monsieur le premier ministre, l’islamophobie tue en France ! ». Et d’ajouter sur son compte X : «Ce n’est pas un fait divers, c’est le fruit d’un climat islamophobe que nous refusons d’accepter».
Abdelkader Lahmar s’est encore fait remarquer lors des célébrations du 8 mai 45 en France commémorant la fin de la Seconde Guerre mondiale. «Un jour de victoire en France, un jour de massacres en Algérie», résume-t-il alors, ajoutant que le pays qu’il représente à l’Assemblée nationale «écrase [alors] dans le sang, en Algérie, les aspirations d’un peuple qui réclamait ces mêmes droits». Le député LFI fait référence aux massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, où les manifestations pour l’indépendance de l’Algérie ont été réprimées par l’armée française, faisant plusieurs milliers de morts parmi la population algérienne. «C’était un crime d’État, organisé, couvert, justifié. Et pourtant, à ce jour, la République refuse de le nommer comme tel», dénonçait le député sur son compte X. L’Insoumis n’en est donc pas à sa première sortie sur le dossier algérien.