«Il y a une forme d’amateurisme» : de Villepin dénonce les propos de Retailleau sur l’Algérie, après l’attaque de Mulhouse

Le ministre de l’Intérieur est-il dans son rôle lorsqu’il dénonce l’hostilité de l’Algérie à l’égard de la France ? Dominique de Villepin ne le pense pas. Au lendemain de l’attaque terroriste de Mulhouse (Haut-Rhin) qui a tué un homme de nationalité portugaise et blessé trois policiers municipaux, l’ancien premier ministre a dit sur BFMTV ne pas apprécier la rhétorique offensive que Bruno Retailleau a développée, samedi soir sur TF1, contre l’Algérie, pays du suspect. «Quand on fait de la politique intérieure avec de la politique étrangère, on ne va que dans une impasse en pratiquant la politique de la terre brûlée», a-t-il fustigé d’un ton énergique.

Alors que le suspect de l’attaque, âgé de 37 ans et déjà condamné, faisait l’objet d’une OQTF (Obligation de quitter le territoire, NDLR), le premier flic de France a accusé Alger d’avoir refusé à dix reprises de reprendre son ressortissant. «Il faut changer de braquet avec l’Algérie, et accepter un rapport de force. (...) On a été assez gentils, on a tendu la main à l’Algérie, qu’avons-nous eu en retour ?», a tonné le premier flic de France. Considérant que «les désordres migratoires sont aussi à l’origine de cet acte terroriste», Bruno Retailleau a une nouvelle fois appelé à mettre fin à l’accord de 1968 entre la France et l’Algérie qui facilite la délivrance de titres de séjour pour les Algériens. Pas de quoi convaincre l’ancien ministre des Affaires étrangères, répliquant dimanche que «la surenchère ne réglera rien, c’est quarante ans d’expérience diplomatique qui me font parler comme ça».

«Retailleau ne peut pas infléchir la position des Algériens»

Compte tenu de l’histoire tumultueuse entre la France et l’Algérie, il l’assure : «Ce n’est pas en jouant le bras de fer qu’on y arrivera. Ce n’est pas sur la scène publique et au “20 heures” de TF1 qu’il faut le faire.» «Là, il y a une forme d’amateurisme», a raillé l’ancien premier ministre de Jacques Chirac, appelant le gouvernement Bayrou à «faire le travail qui est le sien en liaison avec le président de la République.» Selon lui, «la relation avec l’Algérie, c’est de la responsabilité» de Jean-Noël Barrot, patron du Quai d’Orsay et d’Emmanuel Macron. «Ce n’est pas ce que dit Monsieur Retailleau qui peut infléchir la position des Algériens. Il n’est pas placé, il n’est pas dans la fonction qui est dans la responsabilité pour faire cela», a insisté Dominique de Villepin.

Tandis que le ministre de l’Intérieur a engagé depuis plusieurs mois un bras de fer avec l’Algérie, son lointain et éphémère prédécesseur à la place Beauvau rappelle que «nous ne sommes pas dans une République bananière». «Il y a des responsables qui doivent assumer leurs responsabilités», a-t-il tancé en direction du chef de l’État. Si Dominique de Villepin reconnaît que «nous avons un problème avec l’Algérie, qui est un problème global, pas seulement sur les OQTF», il entend «renouer le fil» avec l’autre côté de la Méditerranée. Comme pour prendre le contre-pied de Bruno Retailleau, à qui il adresse un dernier message : «La responsabilité politique, ce n’est pas d’aller dans le sens du vent, de surenchérir, choisir la facilité, et d’aller de micro en micro alors qu’il faut tenir le manche de la République.»