Yoa et Wilco, découvrez les albums de la semaine du Figaro

Yoa, La Favorite

L’ascension de cette jeune femme ne fait que commencer. Après une poignée d’EP remarqués, la voici qui sort un premier album empreint de grâce, de gravité, de force et de délicatesse : La Favorite. Un titre idéal pour un disque qui ne l’est pas moins. Cette Franco-Suisse de 26 ans a commencé par le théâtre avant de se consacrer à la chanson. D’une voix claire, avec une écriture précise, et parfois même crue, elle s’y livre avec beaucoup d’élégance. On pense parfois à une cousine de l’Américaine Billie Eilish. Comme elle, Yoa compose dans l’intimité de sa chambre, avec une sensibilité rare. La production electro de l’album constitue l’écrin idéal à ces confessions de jeune adulte. Mes copines est un sommet de sociologie de la génération qui accède aujourd’hui au monde du travail, armée de désillusions et d’utopies. Yoa ne bouleverse rien mais livre un regard acéré sur l’époque. Sa révolte est très rentrée, et cette pianiste soigne les mélodies pour l’exprimer encore mieux. On observera avec intérêt les développements de cette jeune personne au caractère déjà bien affirmé.

Wilco, A Ghost is Born, 20th anniversary edition

Le plus passionnant des groupes américains de ce siècle poursuit avec méthode et application la réédition de sa riche discographie. Après le plantureux coffret consacré au chef-d’œuvre du groupe, Yankee Hotel Foxtrot, c’est au tour de son successeur, le non moins excellent A Ghost is Born, de bénéficier d’un traitement haut de gamme. Soit une version ne contenant pas moins de 9 LP de matériel inédit, de versions alternatives et autres raretés. Du solide pour les fans du groupe, et ils sont nombreux.

À sa sortie, en 2004, A Ghost is Born avait été considéré comme le tournant bruitiste du groupe de pop avant gardiste. Le leader Jeff Tweedy y tenait la majorité des guitares, prenant des chorus dans des tonalités aussi abrasives que Neil Young au sein de Crazy Horse. Ce qu’on ne savait pas alors, c’est que l’homme se battait comme un beau diable contre une addiction aux antidouleurs, bien avant que l’on évoque le fléau que constitue l’opiacé Fentanyl. C’est cette dépendance qui explique l’aspect claustrophobe de chansons comme Spiders (Kidsmoke), sommet du genre. En grave crise, et après un bienvenu changement de line up marqué par l’arrivée du guitariste Nels Cline, Wilco allait se réinventer en beauté et plus apaisé. Mais A Ghost is Born demeure le précieux témoignage d’un groupe en prise avec ses démons.