Accusé de soutien à Israël, le festival Sónar de Barcelone fait face au boycott de 70 artistes

Un appel au boycott massif. Pas moins de 70 artistes, censés se produire sur scène lors du festival barcelonais de Sónar (du 12 au 14 juin), ont annoncé se retirer de la programmation en raison des liens présumés des organisateurs avec Israël. Ce grand rendez-vous de la musique électronique espagnole, racheté par la firme américaine Kohlberg Kravis Robert (KKR) l’an dernier, est accusé de pratiques qui piétinent les droits des Palestiniens.

Le festival Sónar de Barcelone est un mastodonte de la musique électronique. PAU BARRENA / AFP

La société new-yorkaise, fondée en 1976, participerait, via des parts acquises en 2019 dans le groupe allemand Axel Springer, à promouvoir l’immobilier dans les territoires occupés « illégalement » par Israël, à savoir Jérusalem-Est, Gaza et la Cisjordanie, reconnues par le droit international comme palestiniens. Le conglomérat d’entreprises propose à ses clients d’effectuer des investissements immobiliers dans ces zones pour « y construire l’avenir ».

Une lettre ouverte signée par une dizaine de Français

C’est pourquoi une majorité de musiciens, parmi lesquels sont toujours annoncés au programme Armin van Buuren, Skrillex ou encore Peggy Gou, ont signé une lettre ouverte réclamant au Sónar de « prendre ses distances par rapport aux investissements complices de KKR ». « Adoptez des politiques de programmation et de partenariat éthiques, respectez les lignes directrices du BDS, dialoguez avec les artistes sur tout ce qui précède », ont exhorté les signataires parmi lesquels on compte une dizaine de Français, comme le DJ parisien Brodinski. Plus du double d’Espagnols a également ratifié le document.

Dans ce manifeste, les 70 artistes mentionnent à plusieurs reprises le « Boycott, désinvestissement et sanctions », dit « BDS ». Ce mouvement de contestation a pour objectif de boycotter et dénoncer les agissements des institutions culturelles israéliennes qui piétinent les droits des Palestiniens. Il a notamment participé à la campagne de boycott de grandes firmes internationales comme McDonald’s, Coca-Cola, la BNP Paribas, ou encore Carrefour, tous accusés de participer d’une forme ou d’une autre aux « crimes de guerre commis par le régime israélien d’occupation ».

« Nous n’avons aucune ingérence »

En réponse à ses accusations, le festival Sónar a relayé un communiqué sur ses réseaux sociaux dans lequel il affirme se « dissocier de toute action de KKR ». « Nous n’avons aucune ingérence, ni bien sûr aucun contrôle sur leurs investissements ou décisions, poursuivent les organisateurs. Notre indépendance reste intacte dans tous les domaines qui définissent l’identité de Sónar : la ligne artistique, la gestion du festival et notre engagement éthique et culturel, qui est resté ferme tout au long de ces 32 années. »

Avec mon entrée, je finance le génocide à Gaza ?

Question d’un internaute au festival

Le boycott des artistes a entraîné une vague de haine du côté des fans, dont la moitié réclame un remboursement, voire l’annonce d’une nouvelle programmation. En attendant une réponse de la part du festival, muet à ce sujet, ils s’indignent dans l’espace commentaire de plusieurs publications de Sónar. « Musique, innovation, génocide », écrit un internaute. « Avec mon entrée, je finance le génocide à Gaza ? », se demande un autre. « Allez-vous condamner le génocide ? », peut-on encore lire.

L’Espagne propalestinienne

L’engagement propalestinien des festivaliers espagnols est particulièrement remarqué cette année à l’aube du lancement des premières festivités barcelonaises, comme le Primavera Sound. Le festival Viñarock, l’un des 23 possédés par KKR en Espagne, est également victime d’un boycott massif. La ville hôte de l’événement, Villaroblado, a demandé la rupture du contrat les liant aux États-Unis par peur de lourdes pertes économiques. Le ministre de la Culture espagnol, Ernest Urtasun, a lui aussi déclaré que le groupe KKR n’était « pas le bienvenu » en Espagne. Le président du gouvernement, Pedro Sánchez, avait demandé à l’issue de l’Eurovision l’exclusion totale d’Israël des événements culturels internationaux.