Dans la famille, il y a d’abord le faux trader, mais vrai escroc. Viennent ensuite sa sœur, le fils de celle-ci et la compagne de cet homme, la créatrice de bijoux en vogue Caroline Najman. Ensemble, et à des niveaux d’implication différents, ils perpétraient depuis 2019 de vastes escroqueries en bande organisée, pour un préjudice estimé à plus de 2 millions d’euros.
D’après les informations du Figaro, tous ont été interpellés le 29 janvier dernier. Après plusieurs mois d’enquête de la brigade de répression de la délinquance astucieuse (BRDA), les membres de cette famille ont été déferrés le 3 janvier devant un juge à Paris. Un dernier acteur du réseau, sans lien familial avec les quatre autres, a lui aussi été placé en garde à vue, puis présenté à la justice. L’homme âgé de 44 ans avait été recruté par ce faux trader pour jouer un rôle d’intermédiaire entre lui et les clients qu’il escroquait.
Sociétés en Angleterre
C’est en 2019, au contact de deux premiers clients, que le quinquagénaire a mis au point son stratagème. Un frère et une sœur, pensant avoir affaire à un authentique investisseur financier, lui confient d’importantes sommes d’argent afin qu’il les place pour eux. Le nom de la société d’investissement dont il prétend être le directeur ressemble à celui d’une société de courtage américaine bien réelle, RJ O’Brien. Après s’être vu soumettre des documents d’ouverture de comptes similaires à ceux utilisés par la vraie société RJ O’Brien, le premier client verse à la fausse entreprise 100.000 euros, la seconde 220.000 euros.
Le bouche à oreille fait ensuite son œuvre. Les deux clients recommandent les services de l’escroc à des proches, qui s’allouent eux aussi ses prestations financières fictives, relate une source policière. Le couple profite de mondanités pour faire la promotion de ses activités de trading. D’après les éléments de l’affaire portés à la connaissance du Figaro, l’une des victimes raconte ainsi avoir fait la connaissance de Caroline Najman et son mari lors d’une soirée parisienne, avant de leur confier son argent.
Au total, près d’une trentaine de victimes font appel à ce quinquagénaire. Dans leurs plaintes, plusieurs d’entre elles laissent entrevoir l’étendue de l’escroquerie : un interlocuteur fictif, à l’identité usurpée, échange avec les clients. Le mis en cause est aussi désigné comme le propriétaire de non plus une seule, mais plusieurs sociétés fictives, certaines immatriculées en Angleterre, dont l’une est dirigée par son neveu. Là encore, chacune se prénomme d’un nom rappelant la vraie société de courtage RJ O’Brien : «RJO PROS», «RJO BRIEN ASSOC LTD», «RJO PRO TRADE LTD»... L’escroc se rapproche même d’un interprète anglophone, afin de pouvoir attester du fait que la société mère est bien américaine. Ce dernier aurait pour cela été rétribué à hauteur de 37.000 euros.
Suspecté d’un meurtre
Après les plaintes de victimes ayant compris la supercherie, les investigations ont conduit les enquêteurs à vérifier un certain nombre de transferts d’argent entre le dirigeant des sociétés fictives et ses proches. C’est ainsi que les policiers remontent, entre autres, à son épouse, Caroline Najman. Entre 2019 et 2023, celle-ci aurait perçu 154.000 euros, qui ne proviennent pas de l’activité de création de bijoux qui l’a fait connaître. De même, le neveu du couple - à la tête de l’une des sociétés - aurait également touché la somme de 230.000 euros. La sœur de l’escroc aurait quant à elle reçu 218.000 euros et 185.000 livres.
Tous ont été renvoyés pour «escroquerie en bande organisée» devant le tribunal correctionnel de Paris, le 3 avril prochain. Tandis que Caroline Najman, sa belle-sœur et son neveu ont été laissés libres sous contrôle judiciaire dans l’attente de leur procès, l’homme à la tête du petit groupe se trouve en détention, dans le cadre d’une autre procédure judiciaire. Les affaires de ce faux trader mais vrai escroc pourraient n’en être qu’à leurs débuts : d’après nos informations, le mari de la créatrice de bijoux est également suspecté d’être lié au meurtre de l’un de ses associés. En mars 2024, le corps démembré de cet homme avait été retrouvé dans l’Ain.