La Russie, lancée dans une guerre pour la conquête de l’Ukraine depuis 2014, subit des pertes... inattendues. Le Novorossiisk, un sous-marin de la classe Kilo (Nomenclature Otan), rattaché à la flotte de la mer Noire et mis en service en 2014, subit «de graves problèmes techniques», selon la chaîne Telegram d’opposition Tchéka-OGPU (la Tchéka, puis l’OGPU, était la police politique soviétique, NDLR). «Suite à des dommages au système de carburant, du carburant s’écoule directement dans la cale. Faute de pièces de rechange ni de spécialistes qualifiés à bord, l’équipage est incapable de résoudre le problème», explique-t-elle, documents officiels à l’appui.
«D’autres problèmes ont également commencé à apparaître suite à ce grave accident», ajoute, complaisamment, la publication Telegram. En effet, «le carburant accumulé dans la cale» présente «un risque d’explosion». «La source estime que l’équipage n’a d’autre choix que de rejeter la cale directement à la mer». Les malheurs du Novorossiisk ont attiré les professionnels du renseignement en source ouverte (OSINT en anglais). Le sous-marin a été repéré au large de Gibraltar, territoire britannique au sud de l’Espagne, franchissant le cap vers l’océan Atlantique. Selon toute probabilité, il va se diriger vers une base pour effectuer des réparations. Les sous-marins de la classe Kilo sortent des chantiers de l’Amirauté à Saint-Petersbourg, et leur entretien lourd s’effectue en mer Baltique.
Des affrontements sévères en mer Noire
La Russie, coutumière des incursions au large des côtes européennes, avait déjà envoyé le Novorossiisk, proche de la France. Il avait été «accompagné» par la frégate multi-missions (FREMM) Normandie, au large du golfe de Gascogne, à cent kilomètres des côtes bretonnes, autour 29 septembre 2022. Le Novorossiysk (de classe kilo, selon la typologie Otan), ainsi que le remorqueur Sergey Balk avaient été «accompagnés» en «collaboration étroite» avec un patrouilleur espagnol, puis une frégate britannique.
Jean-Yves Le Drian, alors ministre des Armées, avait prévenu en 2017 que des sous-marins russes s’approchaient désormais «des côtes bretonnes», ce que «l’on n’avait plus vu depuis longtemps». Le commandant de la Normandie a assuré cet accompagnement, «une disposition classique dans la mesure où le golfe de Gascogne correspond à notre zone de responsabilité et nous devons y contrôler les activités militaires qui s’y déroulent». Et pour cela, insiste une vidéo de «l’accompagnement» du sous-marin russe, la FREMM dispose de nombreux atouts : sonar de coque, sonar remorqué et un hélicoptère Caïman marine, qui a d’ailleurs été sollicité.
En mer Noire, Ukrainiens et Russes se sont sévèrement affrontés pour le contrôle des eaux. Si la Russie a conquis de nombreux ports, comme ceux de Sébastopol et Marioupol, l’Ukraine, grâce à une habile campagne, a endommagé le potentiel militaire de la flotte russe. «Les uns après les autres, les navires retournent à leur base, bâchés», explique la chaîne Tchéka-OGPU. «Et ce sont les navires lance-missiles les plus précieux, dont la flotte de la mer Noire ne possède que peu d’exemplaires. Qui est responsable si la moitié des navires sont immobilisés et ne prennent pas la mer ?». Mi-avril 2022, l’Ukraine coule le Moskva, navire-amiral de la flotte de la mer Noire. Il s’agissait du bâtiment - navire de combat - envoyé par le fond depuis la Seconde Guerre mondiale.
Plus généralement, la flotte russe a repositionné certains bâtiments depuis le lancement de l’invasion à grande échelle, le 24 février 2022. Le détroit du Bosphore, au large d’Istanbul, est fermé, dégradant les possibilités de ravitaillement et d’entretien des bâtiments russes déployés en Méditerranée. Moscou comptait beaucoup sur la base navale de Tartous, en Syrie, mise à disposition grâce à un accord avec Hafez Al-Assad en 1971. Mais le renversement de son fils, Bachar, en décembre dernier a conduit les Russes à une réévaluation de leur installation, maintenue jusqu’à présent. Deux sous-marins de la classe Kilo, et issus de la flotte de la mer Noire y étaient déployés depuis près de dix ans.