« Il est temps que les responsables assument leurs décisions » : La filiale qui a produit les pneus Goodyear à l’origine d’accidents mortels est mise en examen

Onze ans plus tôt, à l’été 2014, le mari de Sophie Rollet, Jean-Paul mourrait lors d’un accident sur l’A36 après des éclatements de pneus Goodyear. Après une plainte, une enquête avait été ouverte dès 2016 à Besançon, depuis, la veuve continue de se battre pour que justice soit faite. Après une lutte acharnée, la société soupçonnée d’avoir produit des pneus à l’origine des accidents, SAS Goodyear Operations, a annoncé, mardi 13 mai, sa mise en examen, par un juge d’instruction de Besançon.

Et pour cause : le cas de Jean-Paul n’est pas unique. De multiples accidents se sont déroulés, provoqués par des modèles bien précis, les Marathon LHS II et LHS II +. La firme connaissait pourtant les défauts depuis les années 2010, mais elle n’a pas lancé de procédure de rappel afin de s’éviter une mauvaise publicité.

Le représentant légal la SAS Goodyear Operations, qui a produit les pneus incriminés et dont le siège est au Luxembourg, a été convoqué mardi par un juge d’instruction de Besançon dans une enquête ouverte pour « homicides involontaires », « tromperie sur les qualités substantielles d’une marchandise » et « pratiques commerciales trompeuses ». Ces deux derniers chefs sont passibles d’une amende pouvant monter « jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires » de l’entreprise, a indiqué une source judiciaire à l’Agence France-Presse. Le parquet de Besançon, contacté par l’AFP, n’a pas souhaité s’exprimer à ce stade de la procédure.

« Il est temps que les responsables assument leurs décisions »

L’avocat de Sophie Rollet Maître Philippe Courtois, s’est dit « satisfait de cette première mise en examen qui ne peut qu’annoncer d’autres à venir ». « Ce qui n’était que des hypothèses il y a neuf ans, sont devenues des faits réels » et « il est temps que les responsables assument leurs décisions en toute connaissance de cause », a-t-il estimé.

« Goodyear Operations confirme avoir été informée de sa mise en examen dans le cadre d’une instruction en cours, en lien avec certains accidents de la circulation de véhicules poids lourds datant de 2014 et 2016 », a, de son côté, fait savoir une porte-parole de la multinationale américaine à l’AFP. « Goodyear Operations apportera sa pleine coopération dans le cadre de cette instruction », a-t-elle ajouté.

Dans le cadre de la même affaire, le représentant légal d’une deuxième entité de Goodyear, la SAS Goodyear France, distributeur des pneumatiques dans l’Hexagone, est pour sa part convoqué ce mercredi 14 mai devant le juge d’instruction. « Goodyear doit répondre au juge d’instruction à une question simple : savait-il ? Et s’il savait, pourquoi rien n’a été fait pour retirer du marché leurs pneumatiques et ainsi éviter ces drames ? », selon Maître Courtois. « Pendant des années, des victimes ont été ignorées, des faits étouffés, et les dangers pourtant connus ont été volontairement minimisés », déplore le conseil.

Trois dossiers de collisions mortelles

Ainsi, l’enquête porte sur trois dossiers de collisions mortelles impliquant des poids lourds équipés de pneus Goodyear dans la Somme, le Doubs et les Yvelines, en 2014 et 2016, qui ont fait quatre morts au total. Elle a donné lieu en mai 2024 à des perquisitions chez Goodyear en France, au Luxembourg et au siège européen de l’entreprise à Bruxelles.

D’après les investigations, les accidents ont été provoqués par l’éclatement du pneu avant gauche des camions, faisant perdre le contrôle du véhicule aux chauffeurs. Pour chacun de ces dossiers, des experts différents ont conclu que l’éclatement de ces pneus Goodyear Marathon LHS II ou Marathon LHS II + n’était pas dû à une cause extérieure mais à un défaut de fabrication. Il est reproché au géant américain de ne pas avoir averti ses clients malgré la connaissance qu’il avait de ce défaut sur ces deux modèles.

Une pratique « systémique de dissimulation »

Ainsi, à partir de 2013, Goodyear a mis en place des « programmes volontaires d’échange », ce qui lui a permis de récupérer environ 50 % des équipements incriminés. Pour autant, le groupe n’a pas procédé à une campagne de rappel « impératif » des pneus concernés, dont certains sont toujours disponibles sur des sites de ventes d’occasion en Europe de l’Est, avait indiqué en avril le procureur de Besançon Etienne Manteaux.

Le magistrat avait fustigé une pratique « systémique de dissimulation » destinée à ne pas « induire de perte de confiance chez les consommateurs ». Les accidents auraient « peut-être » pu être évités si l’entreprise avait enclenché un programme de rappel, selon lui. Les dossiers de quatre autres collisions similaires survenues entre 2011 et 2014 dans l’Hérault, l’Indre et l’Isère, dans lesquelles trois personnes sont mortes, ont par ailleurs été versés à l’instruction à titre d’information, les faits étant prescrits.

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