La Sécu veut mettre fin à la majoration des consultations en horaires élargis... et suscite l’ire des médecins

Elles pouvaient atteindre jusqu’à 66 euros la nuit, et plus de 45 euros les dimanches et jours fériés. La majoration des consultations d’urgences effectuées par les médecins libéraux est désormais proscrite par l’Assurance-maladie. La nouvelle convention médicale, signée en juillet et entrée en vigueur le 22 décembre, prévoit en effet que la tarification majorée ne pourra plus être mise en place systématiquement par ces médecins qui exercent la nuit, les jours fériés ou le week-end. Et ce, parce que les frais de remboursement à la charge de l’Assurance maladie se sont envolés ces dernières années.

Si tous les médecins libéraux sont concernés, la mesure cible plus particulièrement les centres de soins non programmés (CSNP), aussi connu sous le terme de maisons médicales de garde. Les Français sont en effet de plus en plus nombreux à consulter ces établissements, présentés dans un rapport parlementaire de 2021 comme une solution au «décalage croissant entre une demande de soins non programmés en hausse et une offre ambulatoire en voie de raréfaction». Déployés à partir de 2022, ils ont vocation à désengorger les urgences, d’autant qu’ils sont fréquemment ouverts toute la nuit, y compris les week-ends et jours fériés. Conséquence : les patients ont pris l’habitude de s’y rendre directement plutôt que de passer par le système conventionnel de gardes, la permanence des soins ambulatoires (PDSA). Pour rappel, ce dispositif «régulé» permet de consulter un médecin le soir ou le week-end, mais seulement après un appel de vérification au Samu, qui s’assure du caractère urgent de la prise en charge.

«Pas forcément besoin de voir un médecin en urgence»

Pour la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam), la ruée vers les centres de soin non programmée sur ces créneaux d’urgence n’est pas toujours justifiée et confine parfois à l’abus. «Il n’y a pas de régulation téléphonique, donc les patients arrivent en masse alors qu’ils n’auraient pas forcément besoin de voir un médecin en urgence», fait valoir la caisse dans les colonnes de notre confrère Le Parisien. Or, qu’elles soient réalisées dans un centre ou dans le cabinet d’un médecin libéral, ces consultations en horaires étendues plombent fortement les comptes de l’Assurance-maladie. Les praticiens appliquent des majorations allant de 19 euros les dimanches et jours fériés à 35 euros en soirée voire 40 euros à partir de minuit. En «nuit profonde», la consultation peut ainsi attendre 66 euros, la majoration s’ajoutant au prix de la consultation elle-même, soit 30 euros depuis le 22 décembre. 

Si ces permanences sont très lucratives pour les médecins en question, elles sont extrêmement coûteuses en remboursement pour l’État. Selon un récent rapport, les dépenses de l’activité non régulée en dehors des horaires classiques ont grimpé de 47 % en 2022, contre 2% seulement sur toute la décennie précédente. La Sécu a donc souhaité mettre un coup d’arrêt à cette tendance : depuis le 22 décembre, les praticiens ne peuvent plus, en théorie, majorer ces consultations d’urgence, sauf si les patients sont directement redirigés par le Samu. Dans les autres cas, les médecins qui décident de faire des heures supplémentaires ne toucheront que 5 euros de plus par consultation en horaires élargis.

Demande de moratoire

Une décision qui scandalise Jérôme Marty, président du syndicat de l’UFML. «C’est une aberration», tacle-t-il. «Les horaires élargis permettent d’absorber les soins non programmés auxquels il n’est plus possible de répondre en journée. Quand je libère la nuit des créneaux pour le lendemain, j’ai 30 personnes qui réservent des rendez-vous à 2 heures du matin. Quand je suis de garde la nuit dans une clinique, je reçois des patients qui font 50 km pour venir me voir.» Il ajoute que l’Assurance maladie aurait pu cerner les «effets d’aubaine», c’est-à-dire «repérer les médecins qui se spécialisent dans les consultations d’urgence pour maximiser leurs revenus», sans pénaliser toute la profession. Quant à savoir si un médecin généraliste peut gagner 400 euros de l’heure en horaires élargis, comme l’indique le Parisien, Jérôme Marty est dubitatif. «Cela me semble peu crédible, à moins d’enchaîner les consultations de façon très sommaire», soutient-il, tout en affirmant ne «pas être choqué» par ce montant.

Fait rare, les représentants des blouses blanches semblent désormais solidaires contre ce tour de vis, auquel ils avaient pourtant, dans leur grande majorité, consenti en juillet. Le 6 décembre, quatre syndicats de médecins libéraux (CSMF, la FMF, MG France et le SML) ont réclamé un moratoire de six mois sur l’application de ces dispositions, rejoint le 10 décembre par la Fédération française des centres de soins non programmés. «Dans l’immense majorité des cas, ces centres très utiles et bien intégrés dans le territoire. Dans de rares cas seulement ils viennent concurrencer le dispositif classique de garde», fait valoir au Figaro la présidente du syndicat SML Sophie Bauer. Des arguments qui peinent toutefois à être entendus par la Sécu. Celle-ci rejette pour l’heure tout moratoire. Mais face à la fronde des médecins, elle promet une mise en œuvre progressive de la mesure.