Au Venezuela, l'opposition redoute les réformes constitutionnelles du président Maduro

"Une grande réforme" pour "embellir" la Constitution du Venezuela. Telle est la promesse formulée par le président Nicolas Maduro lors de sa prestation de serment, vendredi 10 janvier, pour un troisième mandat dénoncé par l'opposition, qui revendique la victoire de son candidat Edmundo Gonzalez Urrutia, contraint à l'exil.

Nicolas Maduro a demandé aux députés d'"accélérer" l'adoption d'un ensemble de lois destiné à "préserver la paix" après les manifestations contre sa réélection fin juillet qui ont fait 28 morts, près de 200 blessés et ont donné lieu à plus de 2 400 incarcérations.

Il a accusé l'opposition d'être responsable des décès et dénoncé un complot dirigé par les États-Unis, qui imposent de lourdes sanctions économiques au Venezuela pour provoquer la chute de Maduro.

Ali Daniels, directeur de l'ONG "Accès à la Justice", assure que parmi les réformes constitutionnelles à l'étude se trouvent l'interdiction pour 60 ans d'exercer des fonctions publiques, l'imposition d'amendes dépassant l'équivalent d'un million de dollars ou l'autorisation de jugements par contumace. Ils sont, selon Ali Daniels, actuellement interdits par la Constitution.

D'après lui, le paquet de lois en préparation "aggravera encore" la situation des opposants politiques et fermera les espaces que maintient ouverts, tant bien que mal, la société civile.

Aux mains du pouvoir, l'Assemblée nationale a notamment approuvé en novembre une loi qui prévoit des peines de 25 à 30 ans de prison pour "toute personne qui promeut, incite à, sollicite, invoque, favorise, facilite, soutient ou participe à" l'adoption de sanctions internationales contre le Venezuela.

Le modèle du Nicaragua dans le viseur ? 

"Maduro voulait des élections à la Hugo Chavez (ex-président de 1999 à 2013) porté par la foule" mais "comme ça n'a pas fonctionné, il a opté pour le modèle de Daniel Ortega, qui consiste à voler une élection et à persécuter tous les opposants", a déclaré à l'AFP Arturo McFields, ancien ambassadeur du Nicaragua auprès de l'Organisation des États américains (OEA).

Daniel Ortega, ancien guérillero de 79 ans qui a dirigé le Nicaragua dans les années 1980 et est redevenu président depuis 2007, a réformé une douzaine de fois la Constitution pour permettre notamment un nombre illimité de mandats. Il a établi fin novembre un nouveau projet de réforme constitutionnelle lui donnant, ainsi qu'à son épouse Rosario Murillo qui deviendra co-présidente, le contrôle absolu de tous les leviers de l'État.

Ils sont accusés par les États-Unis, l'Union européenne et les pays d'Amérique latine d'avoir instauré une autocratie au Nicaragua, où des centaines d'opposants ont été arrêtés, contraints à l'exil ou déchus de leur nationalité, à l'instar d'Arturo McFields.

"Voici le héros, voici le révolutionnaire Nicolas Maduro, voici Chavez, voici Bolivar" (né au Venezuela et figure emblématique de l'émancipation des colonies espagnoles en Amérique du Sud), s'est exclamé vendredi à Caracas Daniel Ortega, rare chef d'État, avec le président cubain Miguel Diaz-Canel, invité à la prestation de serment de Maduro, où figurait également le président de la Douma russe, Viatcheslav Volodine.

Comme au Nicaragua, le Parlement vénézuélien a adopté une loi obligeant les organisations non gouvernementales à déclarer leurs sources de financement, en particulier si les fonds proviennent de l'étranger. En vertu de cette loi, plus de 5 600 ONG ont dû cesser leurs activités au Nicaragua. "Elle formalise la persécution des organisations de la société civile", estime Oscar Murillo, coordinateur de l'ONG de défense des droits de l'homme Provea.

Figure également à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale une "loi contre le fascisme", qui entend interdire les partis politiques promouvant des activités fascistes.

"Nous sommes tous contre le fascisme, le problème est que le gouvernement a tendance à qualifier de 'fascistes' ses opposants", alerte l'activiste Ali Daniels, qui dénonce "l'ambiguïté" de ces projets de lois.

Avec AFP