L’argent, le nerf de l’émancipation des femmes ?

Le patriarcat économique dépossède les femmes de leur indépendance financière. Aujourd’hui en France, à temps de travail égal, les femmes touchent 15 % de moins que les hommes dans le secteur privé, le divorce entraîne pour elles une perte de niveau de vie de 22 %, contre 3 % pour les hommes et le montant de leur retraite est en moyenne moins élevé de 40 %.

En 2019, un an avant sa mort, Gisèle Halimi s’était une nouvelle fois adressée aux femmes dans les colonnes du Monde : « Votre indépendance économique est la clé de votre libération. » Ces mots résonnent avec ceux tenus par l’économiste Rebecca Amsellem, dans un documentaire consacré à l’émancipation des femmes par l’argent diffusé sur LCP ce dimanche : « Tant que les femmes n’auront pas un patrimoine économique financier équivalent à celui des hommes, il sera possible de leur retirer leur droit politique, sexuel, et tous les droits qu’elles ont aujourd’hui dans notre société. »

À l’échelle du couple, le mécanisme est le même : l’argent représente un outil de chantage, largement utilisé dans les situations de violences conjugales. « Pourquoi c’est si difficile pour une femme de quitter son conjoint violent ? », lance Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. « Parce que lorsqu’on gagne moins que son conjoint, ou que l’on n’a pas d’indépendance économique, le risque de se retrouver à la rue et de ne pas nourrir ses enfants plane. »

« Que deviennent les hommes si les femmes sont libres ? »

Pendant longtemps, les femmes ont été exclues de la sphère économique. Pourtant, « elles ont toujours travaillé, que ce soit dans les champs ou au sein même du foyer, raconte l’historienne Michelle Perrot. Simplement, c’était un travail invisible, silencieux, et non rémunéré ». Lors de la révolution industrielle, les femmes arrivent dans les usines. Les conditions de travail sont extrêmement dures, si bien que certains ateliers de femmes ont été comparés à des prisons ou à des couvents. « Elles n’avaient pas le droit de se parler et parfois même d’aller aux toilettes », raconte l’historienne Christine Bard.

Le tout pour un salaire insuffisant à toute autonomie financière. « Le risque, c’est qu’elles soient libres. Que deviennent les hommes si les femmes sont libres ? C’est une question qui les taraude depuis plusieurs siècles », résume la sénatrice socialiste de l’Oise, Laurence Rossignol. De la première école professionnelle pour les femmes en 1862, à leur accès à la Bourse en 1967, en passant par les « munitionnettes » de la Première Guerre mondiale, la révolution administrative, ou encore les accords de Matignon de 1936, ce documentaire, extrêmement riche, balaye l’émancipation des femmes par le travail et l’argent.

L’Émancipation des femmes, une histoire d’argent, LCP, dimanche 12 avril, 9 h 30