Tunnel de Tende entre la France et l’Italie : un mois après la réouverture tant attendue, un soulagement en demi-teinte

Tunnel de Tende entre la France et l’Italie : un mois après la réouverture tant attendue, un soulagement en demi-teinte

La commune de Tende, située à une dizaine de kilomètres du tunnel, dans la haute vallée de la Roya. N.D. / Le Figaro Nice

REPORTAGE - Irriguée par un flux continue de voyageurs - jusqu’à 2000 véhicules par jour -, la haute vallée de la Roya reprend des couleurs. Si le commerce local s’en frotte les mains, les nuisances inquiètent, et les villages alentour peinent à en profiter.

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À Tende (Alpes-Maritimes), le silence a laissé place au ronflement intermittent des moteurs. Depuis un mois, le tunnel de Tende, axe stratégique entre la France et l’Italie, est rouvert à la circulation après plus d’une décennie de chantier et cinq ans de fermeture. Une délivrance pour cette commune des Alpes-Maritimes, encore marquée par la tempête Alex, qui l’avait isolée du Piémont voisin. «On était devenu une voie sans issue», résume un habitant, juché sur son quad devant l’église du village.

Depuis la réouverture, le 27 juin, environ 2000 véhicules y circulent chaque jour en semaine, et jusqu’à 4600 le dimanche, selon les derniers chiffres de la préfecture. Au 27 juillet, ce sont déjà 74.000 véhicules qui ont emprunté le tunnel. «J’ai retrouvé mes clients italiens. Mon activité était menacée, maintenant ça repart», se félicite Maryse, patronne de La Taverne depuis 2013. La fréquentation reste mesurée, mais perceptible. «Ce n’est pas encore la foule dans les rues, reconnaît Élodie, fleuriste remplaçante. Mais on n’a plus l’impression de vivre dans une ville morte.»

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Des habitudes à reprendre

Le retour du trafic apporte un regain d’activité et de vitalité dans une commune rurale et vieillissante. «Il faudra du temps pour que les gens reprennent l’habitude de passer par ici et surtout de s’arrêter, mais on y croit», estime la fleuriste. Mais sans le retour du train des Merveilles, dont la liaison est toujours suspendue pour de lourds travaux sur les voies, c’est tout un pan de la fréquentation touristique qui reste à reconquérir. «C’est un vrai frein à l’économie locale», regrette-t-elle. Quelques mètres plus loin, au bar-tabac, Jean-Marc Baldi, 39 ans de boutique, observe le changement d’un œil circonspect : «En tant qu’individu, que des emmerdes. En tant que patron de bar, que des bonnes choses. 80% des clients sont des Italiens qui ne viendraient pas sans le tunnel». S’agissant des nuisances que la marée de voitures charrie : «Si vous voulez du calme, montez à Castérino !», lâche-t-il, goguenard.

Pour le maire Jean-Pierre Vassallo, c’est la fin d’un isolement vécu comme une injustice. «Le tunnel, c’est le fruit d’un combat. On ne pouvait plus vivre sans ce lien avec l’Italie», assure-t-il. Il évoque une boulangère qui aurait augmenté son chiffre d’affaires de 40%, et des professionnels de santé travaillant entre la France et l’Italie enfin soulagés. «On reprend une vie normale», résume-t-il.

Avant, quand il y avait moins de circulation, on était plus oxygénés

Françoise, une retraitée de la commune

Mais dans les communes voisines, comme Fontan, le bilan est plus amer. Là, les véhicules traversent sans s’arrêter. Les boutiques, pourtant visibles depuis la route, restent closes. Seul un couple de maraîcher s’active devant son étal de fruits et légumes. Il faut dire que le manque de places de stationnement décourage l’arrêt. «On subit les nuisances sans en tirer de bénéfices», confie un commerçant, fataliste.

À Tende, les commentaires négatifs ne manquent pas non plus. «Avant, quand il y avait moins de circulation, on était plus oxygénés, glisse Françoise, une retraitée assise sur un banc avec deux amies. Tant qu’il n’y a pas de gros camions qui passent, ça va encore…» «Les automobilistes accélèrent comme des tarés juste après le ralentisseur», grommelle à son tour Jean-Christophe, restaurateur aux Quatre Couverts. «Il faudrait des contrôles, un radar, un feu», pense-t-il. Mais de reconnaître tout de même les avantages de cette circulation retrouvée : «L’un de mes fournisseurs italiens devait faire un détour de quatre heures. Aujourd’hui, il revient facilement et cela m’évite de sortir trop de trésorerie d’un coup.»

Le trafic du tunnel reste soumis à régulation : la circulation est autorisée de 6 heures à 21 heures, en sens alterné avec une vingtaine de minutes d’attente en moyenne entre chaque traversée. La rénovation du tunnel historique, prévue pour 2027, devrait permettre à terme une circulation fluide dans les deux sens. D’ici là, les élus travaillent à sécuriser l’accès à Tende, élargir les trottoirs, aménager les parkings. Après des années d’immobilité, il faut réapprendre à vivre avec le mouvement.