Une exposition à la Philharmonie de Paris plonge les visiteurs dans les premiers jours du disco

Boules à facettes, paillettes, grosse basse... La Philharmonie de Paris fait revivre la vague disco qui a déferlé dans les années 70, s'imposant comme la bande-son de la libération sexuelle et de l'émancipation gay avant de brutalement refluer. Au milieu de toiles d'Andy Warhol et de costumes flashy de Sheila ou Patrick Juvet, l'exposition Disco, I'm Coming out, qui ouvre vendredi, plonge le visiteur dans la pénombre d'une discothèque où résonnent les hymnes qui ont fait vibrer les pistes de danse (Never Can Say GoodBye de Gloria Gaynor, I Feel Love de Donna Summer...).

C'est au début des années 70, dans l'underground new-yorkais, que se déploient les premiers jours du disco. En quête de sons pour leurs soirées, de jeunes DJ d'origine italienne s'amourachent de la soul de Philadelphie, qui se nimbe peu à peu de cordes et étire ses morceaux pour prolonger le plaisir sur le dancefloor, où les corps se libèrent et où on peut désormais danser seul. « Les origines du disco sont profondément ancrées dans la culture noire américaine parce que la grande majorité des artistes qui ont fait l'histoire de cette musique venaient de la soul, du jazz ou de la funk », explique à l'AFP le commissaire de l'exposition, Jean-Yves Leloup.

Exutoire pour la communauté LGBT

La communauté LGBT va trouver dans cette culture hédoniste et transgressive un exutoire, elle qui vient de faire entendre sa voix lors des émeutes de Stonewall qui éclatent en juin 1969 à New York après un énième raid policier contre un lieu de nuit gay. Le disco donne alors lieu à un impressionnant brassage. En Allemagne, le producteur Giorgio Moroder, vénéré par les Daft Punk, compose le Love To Love You Baby (1975) de Donna Summer tandis que son compatriote Frank Farian crée le groupe Boney M.

« Les origines du disco sont profondément ancrées dans la culture noire américaine parce que la grande majorité des artistes qui ont fait l’histoire de cette musique venaient de la soul, du jazz ou de la funk  »

Jean-Yves Leloup, commissaire de l’exposition

Côté français, le batteur et compositeur Marc Cerrone insuffle une dimension plus expérimentale avec Love in C minor (1976) qui cartonne aux États-Unis, après avoir débarqué par hasard au milieu d'invendus de Barry White. Village People est, lui, mis sur pied par le duo de producteurs français Henri Belolo et Jacques Morali. « Après la révolution culturelle en 68, on avait envie de tout faire pour éviter de ressembler à l'autre. Ça nous a donné beaucoup d'audace », explique à l'AFP Marc Cerrone, dont une batterie trône dans l'exposition et qui va revisiter son album Supernature le 21 février à la Philharmonie, entouré d'un orchestre symphonique.

Basculement après la « Disco Demolition Night »

Musicalement, l'ADN du disco va évoluer avec l'apparition des synthés mais reste marqué par le beat baptisé Four-on-The-Floor : une grosse caisse qui scande tous les temps de la mesure et qui irriguera plus tard la musique house. Autres constantes : l'hypersexualisation des paroles et des pochettes de vinyles mettant en scène des femmes dénudées, dans des poses lascives. « C'est paradoxal parce que vous retrouverez à la fois des images très sexistes de femmes objectifiées mais aussi plus conquérantes, en quête d'épanouissement », affirme Jean-Yves Leloup.

L'exposition I'm Coming out met aussi en lumière un épisode méconnu qui marque la fin de cette décennie pailletée. À la fin des années 70, le disco est partout, au cinéma (La Fièvre du samedi soir ) comme dans la variété, au point de nourrir aux États-Unis un mouvement de rejet contre cette musique noire et inclusive. Le point de bascule se joue le 12 juillet 1979. Dans un stade de baseball de Chicago, les spectateurs sont appelés à apporter des vinyles de disco pour les brûler au milieu du terrain. La « Disco Demolition Night » voit des milliers de disques partir en fumée.

« On peut mieux comprendre cet évènement aujourd'hui quand on voit ce qui se passe aux États-Unis avec Trump, avec ce mouvement de “backlash” contre la culture LGBT ou le féminisme », estime Jean-Yves Leloup. C'est aussi le début des années sida et le disco va entrer dans une longue hibernation avant d'être réhabilité, des années plus tard, par l'électro (Daft Punk, Bob Sinclar) ou la pop (Juliette Armanet, Clara Luciani...). « Malgré les paillettes et le factice, on redécouvre aujourd'hui l'authenticité de cette musique et ses valeurs d'émancipation et de résilience », estime Jean-Yves Leloup.