Inde : les communistes rassemblent leur million d’adhérents pour préparer la bataille contre Narendra Modi

L’entrée se fait sous une arche imposante. C’est un mont Rushmore composé de Karl Marx, Friedrich Engels, Vladimir Ilitch Lénine et Joseph Staline qui accueillait les militants du Parti communiste indien-marxiste, du 2 au 6 avril.

Pour son 24e congrès, le PCI-M a recouvert de rouge Madurai, dans l’État du Tamil Nadu, dressant des statues des deux dirigeants soviétiques dans le quartier. Dans une Inde de plus en plus nationaliste et autoritaire, cette réunion se voulait festive, en témoignent les concerts, danses et autres fanfares qui y ont eu lieu, mais aussi inclusive.

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Le PCI-M a ainsi invité les dirigeants des autres partis progressistes – parmi lesquels de nombreux courants communistes – à la tribune, devant un gigantesque buste de Karl Marx. Tous ont prôné l’unité de la gauche, dans la foulée de la coalition de l’Alliance inclusive de la nation indienne pour le développement (INDIA), qui a permis lors des législatives de 2024 d’ôter la majorité absolue au Bharatiya Janata Party (BJP, extrême droite) de Narendra Modi.

Défenseurs des paysans

« Son gouvernement représente l’alliance du capital et de l’Hindutva (l’idéologie suprémaciste hindoue, ndlr), étroitement alignée à l’impérialisme états-unien, a clamé Prakash Karat, membre du bureau politique depuis 1992 qui a laissé sa place cette semaine. Nous devons combattre non seulement sa domination dans les urnes, mais aussi sur le champ idéologique, social et culturel. »

Pour cela, le parti aux 1 019 009 adhérents a largement renouvelé son comité central, désormais composé de 85 personnes, dont 20 % de femmes et peu de noms issus des basses castes. Mais aussi son bureau politique, dont huit des 18 membres sont des nouvelles têtes. Parmi elles, les dirigeantes de l’All India democratic women’s association (organisation féministe proche du parti qui compte 10 millions d’adhérentes) Mariam Dhawale et U. Vasuki sont les deux seules figures féminines.

Les communistes font la part belle aux défenseurs des paysans, avec la nomination au politburo d’Amra Ram, ancien agriculteur et l’un des meneurs des gigantesques manifestations paysannes qui ne faiblissent pas depuis 2020. Il avait créé la surprise lors des législatives en s’imposant dans le Rajasthan. Il y a aussi Vijoo Krishnan, secrétaire général de l’alliance paysanne de l’All India Kisan Sabha (environ 15 millions de membres), qui expliquait à l’Humanité comment les agriculteurs pouvaient faire vaciller Narendra Modi.

Socialism is the alternative

Pour mener les troupes, le comité central a choisi comme nouveau secrétaire général M.A. Baby, ancien leader étudiant, sénateur et ministre de l’Éducation du Kerala et membre du politburo depuis 2012. Après avoir procédé à la levée du drapeau rouge, le nouveau leader du PCI-M a tenu à rendre hommage à son prédécesseur, Sitaram Yechury, décédé en septembre dernier. Un documentaire sur son parcours unique a également été projeté durant le congrès, intitulé SITA : Socialism is the alternative, en plus d’une exposition retraçant l’histoire du parti depuis sa création, il y a plus de 60 ans.

« Le PCI-M a identifié trois tâches, a résumé M.A. Baby après sa nomination. Le combat contre le gouvernement néofasciste de Narendra Modi, qui s’attaque constamment aux institutions publiques et aux valeurs séculaires du pays. Nous souhaitons aussi développer et renforcer tous nos amis politiques, chaque organisation progressiste, et rassembler ces forces. Enfin, nous voulons mener la lutte pour les conditions de vie des travailleurs et des paysans, visés par les politiques économiques de Narendra Modi. Nous voulons aider à les organiser pour mener la lutte. »

Les communistes indiens s’allieront de fait à la grève générale du 20 mai prochain. Cette dernière, mobilisée par plusieurs organisations syndicales pour protester contre la réforme des lois du travail promise par Modi, promet de rassembler des dizaines de millions d’Indiens à travers le pays.

« L’inégalité est systématique, a déploré D. Raja, secrétaire général du Parti communiste indien (PCI) lors du congrès. Les oppressions structurelles de caste, de classe et le patriarcat sont devenus extrêmes sous le règne du BJP et du Rashtriya Swayamsevak Sangh. (…) La situation demande que nous, communistes, nous levions et forcions l’unité de la gauche contre ces assauts. » La stratégie n’est pas sans risque. Dans le Kerala, bastion rouge par excellence, le PCI-M devra naviguer entre l’union et le risque d’y faire grandir le Congrès (social-démocratie), le parti d’opposition historique de la dynastie Nehru-Gandhi.

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