A quoi joue le gouvernement Bayrou ? A quelques jours de la reprise des discussions budgétaires, deux ministres ont évoqué plusieurs pistes pour résorber le déficit de la Sécurité sociale. Dans une interview au JDD, la ministre des Solidarités, Catherine Vautrin, a évoqué la piste d'une nouvelle journée de solidarité pour financer la protection sociale. Astrid Panosyan-Bouvet, la ministre du Travail, a, elle, suggéré la piste d'une contribution de certains retraités, estimant qu'il ne fallait pas que cet effort incombe uniquement aux entreprises et aux travailleurs.
Conscient de l'explosivité de ces deux pistes, au moment où le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 s'apprête à revenir à l'Assemblée nationale, l'exécutif a jugé que ces mesures n'étaient "pas la position du gouvernement à ce stade". "Le gouvernement est constitué (...) de personnes d'expérience (...) Chacun a donc en tête des solutions, des possibilités, des hypothèses", a répondu, mercredi 22 janvier, la porte-parole Sophie Primas à l'issue du Conseil des ministres.
Une nouvelle journée de solidarité ?
La première piste, celle des sept heures de travail supplémentaires non rémunérées pour les salariés, n'est pas nouvelle. Cette disposition, censée "générer 2 milliards d'euros de recettes fléchées vers les dépenses sociales" en 2025, avait été introduite fin novembre dans le PLFSS, via un amendement des sénateurs Les Républicains et Union centriste. La mesure avait ensuite été supprimée lors des discussions en commission mixte paritaire (CMP), mais comme le PLFSS a été rejeté par les députés lors de la censure du gouvernement Barnier, elle figurera dans le texte examiné début février à l'Assemblée.
Concrètement, cette proposition s'inspire de la journée de solidarité instaurée en 2004. Elle vise à augmenter de sept heures dans l'année le temps passé en activité dans le public comme dans le privé, mais sans que celles-ci soient rémunérées. Alors que le déficit de la Sécurité sociale, qui atteindra 18,5 milliards d'euros sur l'année 2024, pourrait fortement s'aggraver en 2025, Catherine Vautrin a dit qu'elle "respectera[it] le débat parlementaire à venir sur le sujet". D'autant que la mesure ne fait pas l'unanimité. La gauche, le Rassemblement national et même une partie du bloc central s'y opposent, tout comme de nombreux syndicats.
"Idées anti-travail"
Interrogée sur la proposition de sa collègue au gouvernement, la ministre du Travail, Astrid Panosyan-Bouvet, a, quant à elle, proposé de faire contribuer certains retraités au financement de la protection sociale. Cette contribution pourrait porter "sur les personnes retraitées qui peuvent se le permettre", a avancé la ministre, en précisant que cela pourrait "être 40%" des retraités, "en fonction du niveau de pension". Elle a évoqué un seuil à "2 000" ou "2 500 euros". Une telle contribution pourrait rapporter jusqu'à 800 millions d'euros, selon l'économiste Alain Villemeur.
Là aussi, cette proposition n'a pas été bien accueillie par l'opposition. Le vice-président du RN Sébastien Chenu l'a qualifiée de "scandaleuse", quand le coordinateur de LFI, Manuel Bompard, l'a jugée "très malhonnête". Visant la contribution des retraités comme la journée de solidarité, le député Mathieu Lefèvre, vice-président du groupe macroniste à l'Assemblée nationale, a fustigé sur X "deux idées anti-travail". Signe que ces mesures ont peu de chances d'aboutir.