L’ancien président philippin Rodrigo Duterte doit comparaître pour la première fois devant la Cour pénale internationale vendredi 14 mars 2025, pour répondre d’accusations de crimes contre l’humanité pendant des meurtres commis au nom de sa «guerre contre la drogue». L’ex-dirigeant de 79 ans comparaîtra devant des juges de la CPI, qui siège à La Haye, pour être informé des crimes dont il est accusé et de ses droits à la défense.
L’ancien chef d’État de 79 ans, président de 2016 à 2022, est suspecté de crimes contre l’humanité pour des meurtres commis pendant sa campagne contre les usagers et trafiquants de drogue, qui fait des dizaines de milliers de morts aux Philippines, selon des ONG de défense des droits humains. Pour l’accusation, les crimes reprochés à l’ancien chef d’État s’inscrivaient «dans le cadre d’une attaque généralisée et systématique dirigée contre la population civile des Philippines». «Des dizaines de milliers de meurtres ont potentiellement été perpétrés», a affirmé le procureur à propos de cette campagne, qui a pris pour cible surtout des hommes pauvres, souvent sans preuve de leur lien avec le trafic de drogue.
Requête déposée par sa fille
Sara Duterte, la fille de l’ancien président philippin Rodrigo Duterte et actuelle vice-présidente des Philippines, a annoncé ce vendredi avoir déposé une requête de dernière minute afin d’obtenir le report de l’audience. «Nous prions et espérons que la Cour acceptera notre demande de reporter la première comparution afin que nous puissions nous réunir comme il faut avec l’ex-président pour discuter des stratégies juridiques, car nous ne lui avons pas encore parlé», a déclaré à l’AFP à l’extérieur du tribunal Sara Duterte, elle-même vice-présidente des Philippines. Avant son départ de Manille, elle avait évoqué, à propos de son transfert, une «oppression» et «une persécution».
Un groupe composé de membres de famille des victimes, ainsi que d’avocats et de militants pour les droits humains doit se réunir à Manille vendredi soir pour assister en direct à la diffusion vidéo de l’audience de la CPI. Alors que ces familles espèrent enfin obtenir justice, les partisans de l’ancien dirigeant estiment qu’il a été kidnappé et envoyé à La Haye, victime de querelles intestines au sommet de l’État et des conflits entre sa famille et celle du président Marcos, jusque-là alliées pour diriger les Philippines.
Après avoir atterri aux Pays Bas mercredi, Rodrigo Duterte a dit assumer ses «responsabilités», dans une vidéo partagée sur Facebook. «Je suis celui qui a dirigé les forces de l’ordre et l’armée. J’ai dit que je vous protégerai et j’assume mes responsabilités. (...) J’ai dit à la police, à l’armée, que c’était mon travail et que j’en étais responsable», a-t-il déclaré.
Un enjeu de crédibilité pour la CPI
Selon des experts en droit international, cette affaire médiatisée tombe à un moment crucial pour la CPI, sous le feu des critiques et même sous le coup de sanctions américaines. «Je considère l’arrestation et la remise de Duterte comme un cadeau à un moment important», a déclaré auprès de l’AFP Willemvan Genugten, professeur de droit international à l’université de Tilburg (Pays Bas). «Beaucoup disent que la justice internationale n’est pas aussi forte que nous le voudrions, et je suis d’accord avec cela», a déclaré le procureur de la CPI Karim Khan. Mais, «la justice internationale n’est pas aussi faible que certains pourraient croire» ajoute-t-il.
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D’après le règlement de la CPI, le suspect peut demander une mise en liberté provisoire lors d’une comparution initiale, en attendant un procès. Après la première audience de vendredi, la prochaine étape consistera en une audience pour confirmer les charges, durant laquelle le suspect peut contester les preuves de l’accusation. Cette nouvelle étape passée, la cour décidera si elle poursuit la procédure jusqu’au procès, un processus pouvant prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. L’audience de comparution initiale est prévue à 14 heures heure locale (13 heures GMT).