Autriche : l’extrême droite triomphe aux élections législatives
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Envoyé spécial en Autriche
Pour la première fois dans l'histoire de l'Autriche contemporaine, le parti d'extrême droite FPÖ est arrivé en tête dimanche des élections législatives. Selon les premières estimations de la chaine publique ORF, le parti de la liberté, selon son acronyme remporte une nette victoire, avec 29%, et améliore son score de 13 points par rapport au scrutin de 2019. Avec 26% des voix, le parti conservateur ÖVP du chancelier Karl Nehammer ne pointe qu'à la deuxième place, en recul de 11,2 points. « Le FPO a écrit l'histoire », s'est félicité son secrétaire général, Michael Schnedtlitz.
Sous l'empreinte de son nouveau leader, Herbet Kickl, le FPÖ est devenu un parti profondément nationaliste. Même si un ancien dirigeant SS (Friedrich Peter) en fut l'un des présidents, la formation prend soin aujourd'hui de tenir à distance sa branche néonazie. À l’inverse, celle-ci reste assez visible dans certains länder allemands de l'ex RDA. Anti-migrants, ses électeurs portent volontiers leur racisme en bandoulière et leur leader Herbert Kickl se déclare partisan d'une «remigration» pour les étrangers « qui pensent ne pas devoir respecter nos règles ». Ce concept a été forgé par le mouvement identitaire.
« Je ne vois pas du tout ce qu'il y a de mal dans ce mot », a déclaré Kickl lors de son dernier meeting public à Vienne. Au parlement européen, le FPÖ siège avec le Fidesz hongrois de Viktor Orban et avec le RN français. Pourtant Marine Le Pen avait exclu de siéger à Strasbourg avec l'AfD allemand précisément parce que des responsables de ce parti prônaient la «remigration». Par ailleurs, le FPÖ se montre hostile aux sanctions contre la Russie et conspirationniste. Durant la pandémie, Herbert Kickl a accusé l'Organisation mondiale de santé (OMS) de «vouloir former un nouvel homme». Il dénonce par ailleurs la « folie du genre et le culte de l'arc-en-ciel ».
Vers une coalition ?
Sa victoire dans les urnes ne signifie pas pour autant qu'Herbert Kickl, le leader du parti, sera investi chancelier de la République fédérale. Avec 29% des voix, ce dernier doit trouver d'autres partenaires pour gouverner et les candidats potentiels sont très peu nombreux. À la différence de l'Allemagne, où son statut reste strictement protocolaire, le président Alexander Van der Bellen, membre du parti Verts, devrait logiquement refuser à Herbert Kickl le privilège de former un gouvernement, estimant que ce dernier ne recueille pas sa « confiance ». Par ailleurs, le chancelier actuel, Karl Nehammer, seul homme susceptible de nouer sous conditions une coalition avec le FPÖ, nourrit une forte animosité à l'égard du personnage Kickl.
À la veille du scrutin, le dirigeant conservateur a exclu de former une coalition avec le parti d'extrême droite, dans l'hypothèse où son chef devait entrer au gouvernement. Si son veto devait se confirmer, les membres du FPÖ devraient alors renoncer à investir leur dirigeant – à qui ils vouent un véritable culte - pour espérer pouvoir gouverner : ce scenario est peu probable connaissant l'emprise d'Herbert Kickl sur le parti. Pour leur part, les milieux d'affaires affichent volontiers leur préférence pour une coalition entre conservateurs et extrême droite.
In fine, la logique arithmétique et politique pourrait conduire l'OVP de Karl Nehammer à former une grande coalition avec les socio-démocrates (20% des voix, en stabilité), même si leurs programmes économiques sont divergents. L'ajout d'une troisième force libérale serait néanmoins nécessaire : ainsi l'Autriche serait pour la première dotée d'une coalition tripartite. Une constellation qui n'augure pas d'une grande stabilité, si l'on en juge l'expérience allemande. Ainsi Herbert Kickl pourrait préférer attendre son heure. Le vainqueur des élections entend caresser un objectif plus ambitieux : «mener une lutte de libération contre le système »