Vrai ou faux. Budget : les anciens ministres ont-ils des privilèges ?

C'est une petite musique qui revient alors que le Premier ministre François Bayrou a, fin août, demandé aux "boomers" de faire un effort économique, tandis que le gouvernement cherche à faire 44 milliards d'euros d'économies dans le projet de budget 2026. Des internautes, des Français interviewés dans des reportages, demandent la suppression des privilèges des anciens ministres. En ont-ils vraiment et si oui, lesquels ?

Il faut différencier les anciens ministres en général des anciens Premiers ministres en particulier. Les anciens ministres en général ont deux avantages. D'abord, selon une ordonnance, leur salaire d'environ 10 000 euros brut par mois est maintenu pendant trois mois après la fin de leur mandat, s'ils n'ont pas retrouvé de travail. Il faut ici préciser qu'avoir été ministre ne donne pas droit au chômage. Après ces trois mois de maintien de salaire, ils ne perçoivent pas d'indemnité. Les ministres ont par ailleurs un mois maximum pour quitter leur logement de fonction.

Deuxième avantage : les anciens ministres peuvent bénéficier d'une protection policière si le ministère de l'Intérieur l'estime nécessaire, s'ils sont menacés, par exemple. Cela a été le cas de Christiane Taubira, ancienne ministre de la Justice, car elle recevait des menaces après l'autorisation du mariage pour tous.

Les anciens Premiers ministres coûtent au moins 4,5 millions d'euros par an à l'État

Les anciens Premiers ministres ont des avantages supplémentaires, listés dans un décret datant de 2019. S'ils le demandent, ils peuvent avoir un secrétariat particulier jusqu'à dix ans après leur départ de Matignon et, au plus tard, jusqu'à l'âge de 67 ans. Michel Barnier, 74 ans, ne peut pas en bénéficier. François Bayrou, du même âge, ne pourra pas non plus.

Les anciens Premiers ministres peuvent aussi demander un véhicule de fonction avec chauffeur, sans aucune limite de temps, à condition de n'avoir aucun autre mandat d'élu et de ne pas appartenir à la fonction publique.

En 2024, les privilèges des anciens Premiers ministres ont coûté 1,6 million d'euros à l'État, aux comptes du budget de Matignon, pour 13 anciens chefs du gouvernement, selon les services du Premier ministre. Un chiffre en hausse de 11% par rapport à l'année 2023. Cette augmentation s'explique par la forte instabilité politique. Plus on change de Premier ministre, plus il y a de personnes qui peuvent bénéficier de ces avantages.

Dominique de Villepin est celui qui en bénéficie le plus avec des dépenses à hauteur de 207 000 euros, pris en charge par l'État en 2025, puis Jean-Pierre Raffarin, Lionel Jospin, Édith Cresson et François Fillon avec environ 150 000 euros de dépenses chacun. Gabriel Attal est l'ancien chef du gouvernement qui a coûté le moins cher puisqu'il a cessé de bénéficier de ces avantages quand il a retrouvé son mandat de député.

Il faut ajouter à cela le coût de la protection policière des anciens chefs du gouvernement, financée par le ministère de l'Intérieur. La dernière estimation disponible date de l'année 2019 et s'approche des trois millions d'euros, comme nous l'avions déjà noté dans une précédente chronique à ce sujet. 

Au total, les anciens Premiers ministres coûtent donc au moins 4,5 millions d'euros à l'État par année. Mais c'est sans doute plus, car le coût de la protection policière a probablement augmenté en raison du nombre croissant d'anciens Premiers ministres et de l'inflation.

Le gouvernement ne compte pas changer ni supprimer ces avantages

Ces avantages sont régulièrement pointés du doigt par les citoyens. Des parlementaires ont déjà essayé de les supprimer, en vain. Ainsi, en janvier 2025, le Sénat a voté un amendement d'une sénatrice centriste, Nathalie Goulet, au projet de budget 2025 visant à supprimer les avantages des anciens Premiers ministres et des anciens présidents de la République, chiffré à 2,8 millions d'euros. Cet amendement n'a pas été retenu en commission paritaire. Le député Charles de Courson a déposé une proposition de loi en ce sens en avril 2025, mais elle n'a pas encore été examinée.

Le gouvernement, lui, ne compte pas y toucher. Dans des réponses écrites à un député et à un sénateur en mai 2025, les services du Premier ministres ont affirmé qu'il "n'est pas envisagé de réduire le dispositif de soutien mis en place auprès des anciens Premiers ministres qui ne représente qu'une très faible part du budget des services du Premier ministre", seulement 0,2% du budget de Matignon. La réponse du gouvernement ne mentionnait pas le coût de la protection policière.