La sauterelle égyptienne adjugée à 340 000 dollars a-t-elle été volée dans la tombe de Toutankhamon ?
Vieux de 3 500 ans, l’objet a été vendu aux enchères le 27 juillet. Selon plusieurs chercheurs, l’œuvre proviendrait des fouilles menées en 1922 et dérobée par Howard Carter. La maison de ventes conteste les faits.
Passer la publicité Passer la publicitéUn artefact d’ivoire et de bois suscite la controverse. Intitulée Sauterelle de Guennol, cette œuvre datée de la XVIIIe dynastie égyptienne (qui s’étale d’environ 1539 av. J.-C. à 1295 av. J.-C.), a été adjugée à 340 000 dollars lors d’une vente aux enchères organisée par Appollo Art Auctions à Londres, le 27 juillet. Longue de 88 millimètres cette pièce était un récipient à parfum ou à khôl, une poudre minérale que les Égyptiens appliquaient autour des yeux. Pourtant, sa provenance exacte et son arrivée au Royaume-Uni au début du XXe siècle, engendrent des interrogations de la part des chercheurs.
Certains égyptologues, comme le professeur allemand Christian Loeben, sont « tout à fait convaincus » que la Sauterelle de Guennol ornait la tombe du pharaon Toutankhamon (environ 1335 av. J.-C. à 1327 av. J.-C.). Selon lui, le style de l’œuvre correspond exactement à cette période et son excellent état indique qu’elle dormait dans une chambre close, comme celle aménagée dans l’hypogée du souverain. Pour Christan Loeben, la pièce de collection doit retourner en Égypte : « C’est une question morale » a-t-il révélé au New York Times, le 25 juillet.
Passer la publicitéDe son côté, la chercheuse britannique Christina Riggs pense que le récipient antique a été dérobé par l’archéologue Howard Carter lors de la mise au jour de la tombe de Toutankhamon, en 1922 : « Il avait emporté avec lui des petits artefacts dont certains ressemblant à des animaux. Certains, figurent même dans les collections des musées occidentaux ».
La maison de ventes souligne « le manque de preuve »
Piquée au vif, la maison de ventes a aussitôt réagi dans les colonnes du journal américain. Si la société a toujours indiqué que la Sauterelle de Guennol a été découverte par Howard Carter, elle réfute l’hypothèse de l’égyptologue Christian Loeben. Pour Appollo Art Auctions, il n’existe « aucune preuve documentée » prouvant que l’artefact est issu de la tombe de Toutankhamon d’autant que « l’objet ne figure dans aucun inventaire de fouilles ».
La maison de ventes britannique fustige également la théorie du vol : « Nous sommes convaincus que la vente est pleinement conforme à toutes les lois applicables et aux normes internationales, et nous avons pris toutes les mesures juridiques et éthiques nécessaires pour garantir la légitimité de la provenance de l’objet ». L’artefact appartenait auparavant à plusieurs grands collectionneurs du XXe siècle avant de rejoindre les collections de la galerie Merrin en 2007.
Mais ces arguments ne semblent guère convaincre l’archéologue Christina Riggs. Selon elle, l’absence de documents sur la Sauterelle de Guennol n’est pas surprenante puisque Howard Carter n’aurait pas « répertorié les objets qu’il avait volés ». La chercheuse britannique indique ensuite que la maison de vente « aurait dû consulter les autorités égyptiennes ». Pour l’instant, Le Caire n’a pas réclamé la sculpture.
Cette polémique intervient alors que le débat sur les restitutions d’œuvres d’art secoue les sociétés occidentales. En mai, les États-Unis ont rendu 25 artefacts pillés à l’Égypte. Au total, le pays des pharaons affirme avoir récupéré près de 30 000 objets ces dix dernières années.