Roland-Garros 2025 : "Elle est un peu comme ma fille"... La complicité gagnante entre la prodige russe Mirra Andreeva et sa coach Conchita Martinez, ex n°2 mondiale
Un même regard espiègle. Un esprit taquin partagé. Une précocité similaire. À les observer sur les courts de tennis du monde entier, le constat s'impose : Mirra Andreeva et Conchita Martinez se sont bien trouvées. Depuis leur association en avril 2024, la prodige russe impressionne avec trois titres remportés, dont deux WTA 1000 consécutifs à Dubaï et Indian Wells, et un bond de la 40e à la 6e place mondiale. Malgré la différence d'âge (trente-cinq années séparent la joueuse de 18 ans de sa coach de 53 ans), leur complicité crève l'écran.
À tel point que sans jamais l'avoir croisée auparavant, la 6e joueuse mondiale avait la sensation de "connaître" l'Espagnole "depuis très longtemps", dès les premières semaines. "Je cherchais un nouveau coach et mon agent m'a proposé d'essayer avec Conchita. C'était un peu le hasard. Mais dès le premier tournoi, je me suis dit que oui, on allait travailler ensemble", retrace Mirra Andreeva à franceinfo: sport, peu avant son entrée en lice à Roland-Garros.
"Elle m'apporte beaucoup de joie, de positif. Elle m'aide à m'améliorer chaque jour. Elle a toujours une énergie incroyable donc c'est facile pour moi de m'entraîner, même quand je ne suis pas au mieux."
Mirra Andreeva, numéro 6 mondialeà franceinfo: sport
"Dès le début on s'est bien entendues, a confirmé auprès du site WTA Tennis l'ex-numéro 2 mondiale (en 1995). On aime beaucoup de choses en commun. On rigole beaucoup. Elle est espiègle et je peux la suivre car je le suis aussi. Et en même temps, on sait quand nous devons être sérieuses et retourner au travail."
"Elle connaît toute ma vie"
Cette taquinerie réciproque, le circuit mondial féminin y assiste chaque semaine. Comme à Stuttgart le 16 avril, où Mirra Andreeva a entraîné le public dans un vibrant "joyeux anniversaire" adressé à sa coach : "J'ai vraiment envie de l'embarrasser un petit peu", souriait alors la Russe. Quelques semaines plus tard, l'entraîneure offrait à la joueuse un karaoké portatif pour ses 18 ans.
"Elle aussi a ce comportement enfantin, c'est pour ça qu'on s'entend bien. Nous avons un bon équilibre, a poursuivi la Russe au micro du podcast Tennis Insider Club. Elle connaît toute ma vie. C'est important que je partage ce que je ressens. Comme ça, elle me comprend mieux et sait quand il faut me pousser ou bien ne pas insister et me soutenir", précise Mirra Andreeva. "La confiance est là. Elle est un peu comme ma fille. Elle a sa mère et son père, mais je pense qu'elle me voit aussi comme quelqu'un qui peut l'aider en tout', glisse, en réaction, sa coach.
Une écoute réciproque
Les deux femmes ont rapidement appris à communiquer. "Au début, je me suis un peu forcée pour aller la voir et lui demander des conseils. On s'est mis d'accord sur le fait qu'elle allait me dire ce qu'elle pense, ce qu'elle voit", a raconté Mirra Andreeva à Indian Wells. L'entraîneure, de son côté, apprécie de travailler avec une athlète toujours ouverte à travailler dur et à l'écoute. "Elle sait que je ne vais pas la juger mais prendre en compte ce qu'elle dit", a souligné la coach, qui a confié à Tennis Channel, en avril, combien les victoires en WTA 1000 de sa protégée l'avaient surprise : "C'est comme si elle avait eu un déclic. Maintenant, je sens qu'elle peut bien sûr rivaliser avec les meilleures filles du circuit. C'est cette évolution qui me surprend le plus."
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Née dans les profondeurs de la Russie, à Krasnoïarsk en Sibérie, Mirra Andreeva a d'abord parfait ses coups de raquette à Sotchi, puis à partir de janvier 2022 dans l'académie de Jean-René Lisnard et Jean-Christophe Faurel, à Cannes. Quand Conchita Martinez rencontre l'adolescente d'à peine 17 ans, la joueuse de 1,75 m, aux yeux bleu piscine et aux cheveux couleur des blés, n'est déjà plus une inconnue du monde du tennis. Elle est auréolée de son titre de révélation de l'année 2023, après un bond de la 300e place mondiale au top 50.
Toutes deux numéro 7 mondiale à 17 ans
"C'était déjà une joueuse complète, avec des axes de progression sur plein d'aspects car elle est jeune. Je trouvais qu'elle jouait déjà bien depuis le fond de court et qu'elle lisait bien le jeu de ses adversaires", se souvient Conchita Martinez, auprès de franceinfo: sport. Lorsqu'elle accepte de la coacher, l'Espagnole a déjà un beau CV : élue meilleure coach de l'année 2021, elle a notamment conduit sa compatriote Garbine Muguruza à la victoire à Wimbledon. Mais c'est la première fois qu'elle prend sous son aile une aussi jeune joueuse.
"C'est un peu différent à cause de son âge. Elle est très mature comme joueuse et personne pour son âge, mais elle reste une enfant qui fait des blagues", sourit l'entraîneure, qui a elle-même connu une trajectoire éclair. Un atout précieux pour la Russe.
"Je suis passée par le même chemin. Je me souviens de choses. Ce qui a aidé, pas aidé, ce qui a fonctionné, pas fonctionné."
Conchita Martinez, entraîneure de Mirra Andreevaà WTA Tennis
À 17 ans, l'Espagnole était 7e mondiale et comptait déjà trois titres. Exactement comme Mirra Andreeva, qui a d'ailleurs remporté tous ses trophées (Dubaï et Indian Wells en 2025, tournoi d'Isai en Roumanie en juillet 2024) avec Conchita Martinez à ses côtés.
L'astuce du carnet de notes
"Il faut qu'elle continue à être davantage agressive, qu'elle réussisse à finir les points au filet. Avec le temps, elle deviendra une joueuse plus stable et plus solide", estime la technicienne, qui cherche aussi à faire progresser tactiquement sa joueuse. L'un de ses conseils a d'ailleurs fait le tour du monde. Lors du tournoi d'Indian Wells, les caméras ont capté une Mirra Andreeva en train de griffonner dans un carnet et de lire des annotations sur son adversaire.
"C'est quelque chose que je faisais et cela marchait pour moi. Je lui ai dit que ça allait l'aider lorsqu'elle jouerait la même adversaire que précédemment. Je lui ai conseillé d'écrire à propos du match, de ses sensations, sur ce qui a marché ou non", a retracé Conchita Martinez auprès de Tennis Channel.
Très spontanée, la Russe découvre, au fil du circuit, le pedigree de sa coach aux 33 titres WTA, dont celui de Wimbledon en 1994. Ainsi à Indian Wells, elle a glissé qu'elle savait que son entraîneure y avait échoué deux fois en finale : "Je vais essayer de faire mieux". À Rome, elle a observé, impressionnée, les affiches des quatre victoires consécutives de Conchita Martinez entre 1993 et 1996. "J'espère qu'elle va me partager quelques conseils pour dire comment faire la même chose", écrivait-elle alors sur Instagram.
Un nécessaire travail psychologique
Consciente du poids des attentes, Conchita Martinez tâche aussi de faire redescendre la pression. "Je lui dis de rester humble et qu'elle n'a pas besoin de se mettre la pression sur le classement, a-t-elle raconté à Tennis Channel. Notre objectif est qu'elle s'améliore tous les jours. Le classement suivra." A la veille de sa première finale dans un tournoi WTA en Roumanie, Mirra Andreeva se souvient avoir partagé sa panique à l'idée d'échouer.
"Je me demandais : ‘qu'est-ce qui va se passer si je ne gagne pas, si les choses tournent mal ?'. Elle m'a fait faire dix minutes de méditation allongée au sol. Elle me disait ‘inspire, expire'."
Mirra Andreevaà Tennis Insider Club
La jeune femme reste très émotive. Elle a encore pleuré de frustration après une décision arbitrale qu'elle jugeait injuste à Rome. "Quand tout va bien, je n'ai pas besoin de parler. Mais quand elle est plus négative, parfois elle ne veut pas parler, a explicité sa coach, dans une vidéo publiée par les organisateurs du tournoi madrilène. Je pense qu'elle doit s'améliorer dans ce domaine, mais si elle ne le veut pas, je ne pourrai rien faire." Face à cet enjeu, Conchita Martinez a d'ailleurs poussé Mirra Andreeva à s'entourer d'un psychologue, des séances entamées depuis fin 2024.
L'an passé porte d'Auteuil, Mirra Andreeva était devenue la plus jeune demi-finaliste en Grand Chelem depuis Martina Hingis en 1997. "C'était l'un de mes premiers tournois avec Conchita, alors j'ai hâte d'y retourner et d'essayer de faire encore mieux, a confié la Russe à Roland-Garros.com. Je sais que j'en suis capable." Forte d'une année d'apprentissage auprès de celle qui avait atteint la finale de Roland-Garros en 2000, pourra-t-elle faire mieux que sa coach vingt-cinq ans plus tard ?