« Ces mathématiciens qui firent plier le Kremlin » : le documentaire qui revient sur la méconnue « affaire Leonid Pliouchtch »

Mathieu Schwartz, réalisateur et narrateur de ce film, s’est plongé dans les archives de son grand-oncle Laurent Schwartz, premier mathématicien français à recevoir la médaille Fields. De ce génie, il connaissait ses combats politiques pour l’indépendance de l’Algérie et contre la guerre au Vietnam. Mais une inconnue demeurait. C’est Michel Broué, disciple et ami du mathématicien, qui a révélé à son neveu un nouveau pan de l’histoire de Laurent Schwartz : son rôle dans l’affaire Léonid Pliouchtch.

Tout commence en 1973, en URSS. Accusé de faire circuler des écrits antisoviétiques, Leonid Pliouchtch, mathématicien ukrainien inconnu, est arrêté par le KGB en même temps que son confrère moscovite de renom, Youri Chikhanovitch. Ce dernier est un ami d’Andrei Sakharov, qui donne mission à son amie Tania Maton, en France, d’alerter l’opinion internationale. La psychologue d’origine russe choisit de confier l’affaire à Laurent Schwartz. Il crée avec le mathématicien centriste Henri Cartan et son disciple Michel Broué, militant trotskiste, un comité de soutien. Quelques mois plus tard, Youri Chikhanovitch est libéré. Le Kremlin pensait que l’inconnu Pliouchtch tomberait dans les oubliettes. Mais, l’affaire ne fait que commencer.

Tropisme trotskiste

Michel Broué a 27 ans au moment des faits. Il est le principal témoin de ce documentaire. Il se souvient de cet été 1974 et de la mobilisation internationale des scientifiques. Mais insiste surtout sur le tournant politique que va prendre l’affaire. Le militant trotskiste est adhérent de l’Organisation communiste internationaliste (OCI) dirigée par Pierre Lambert, qui « m’a dit : « Appelle à un meeting à la Mutualité ». J’ai compris que ça voulait dire qu’il allait s’engager », se souvient-il.

On entre alors au cœur de ce documentaire et de la thèse défendue par son auteur Mathieu Schwartz : « Les mathématiciens ont fait plier le Kremlin et ont poussé le Parti communiste français à un tournant historique. » En octobre 1975, le fameux meeting orchestré en coulisses par l’OCI a lieu. À l’époque, les journaux pointent l’absence du PCF et de la CGT. Narrant l’épisode, Mathieu Schwartz insiste : « Pire ! Les communistes ont organisé un contre-meeting. Ils n’ont pas voulu s’associer à une action qui mette en cause l’Union soviétique. »

Si le documentaire est intéressant, car il revient sur cette affaire historique méconnue, il a un défaut : à trop vouloir soutenir la thèse que l’affaire Pliouchtch a provoqué un « coup de tonnerre » au sein du Parti communiste et acté sa prise de distance avec l’URSS, il ellipse certains pans de l’histoire du PCF et de la politique française en général.

Si l’OCI se qualifiait d’anti-stalinien, elle était aussi et surtout hostile au PCF. Malgré les entretiens de Pierre Laurent et de Pierre Juquin, qui recontextualisent les vifs débats internes, la défense des libertés fondamentales dans les années 1970, le film éclipse les précédentes prises de distances du PCF avec l’URSS, du printemps de Prague à « l’affaire Siniavski-Daniel » qui marqua l’année 1966. Le tropisme trotskiste touche ici ses limites.

Ces mathématiciens qui firent plier le Kremlin, LCP-AN, 20 h 30, lundi 10 février

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