REPORTAGE. "S'ils viennent ici, la culture du Japon va disparaître" : dans les rues de Tokyo, l'hostilité décomplexée des Japonais envers les immigrés
Drapeaux japonais, banderoles de partis nationalistes ou pancartes contre les immigrés... Des centaines de Japonais ont protesté cette semaine à Tokyo, devant le siège de l’Agence japonaise de coopération internationale JICA, chargée des programmes d’aide au développement, contre la venue supposée de travailleurs et étudiants africains ou asiatiques.
À l’origine de cette mobilisation xénophobe, une simple maladresse ou un regrettable malentendu : le gouvernement du Nigeria a publié par erreur un communiqué, expliquant que le Japon allait délivrer des visas spéciaux aux ressortissants nigériens. Un quiproquo diplomatique qui a viré à une explosion de fausses informations et de racisme sur les réseaux sociaux japonais.
"Avec les étrangers, les viols et les meurtres vont se multiplier"
Malgré les démentis et rectifications, cela a suffi à exciter la fachosphère nippone et réveiller l'hostilité des Japonais. "Ils ont leur propre pays, qu'ils y travaillent dur et le développent, ce serait bien mieux, voilà ce que je pense", assume un militant d’extrême-droite au milieu de la manifestation.
"Le Japon, lui, ferait mieux d’investir dans l'intelligence artificielle et la robotique, au lieu de dépendre des étrangers."
Un manifestant anti-immigrationà franceinfo
Au-delà des nationalistes ou complotistes habitués aux manifestations, se trouvent ici des nouveaux venus. Marina s'exprime, émue, mais sans retenue. "J’adore les enfants de mon quartier. J’ai très peur qu’ils ne puissent plus y sortir seuls, parce qu’avec l’arrivée des étrangers, les viols, les meurtres vont se multiplier. Je veux empêcher cela", s'inquiète la lycéenne.
Marina pourrait accepter des migrants suédois ou néo-zélandais, concède-t-elle. "Des personnes qui ont un bon fond et une morale comme les Japonais, selon la jeune femme. Mais pas des gens de pays d’Afrique, si différents et où la criminalité est élevée. S'ils viennent habiter ici, la culture du Japon va disparaître."
"On ne peut pas continuer comme ça"
Pour certains manifestants, excédés par une très forte augmentation du tourisme, même les étrangers de passage sont de trop. Selon une quadragénaire japonaise qui n’avait jamais protesté auparavant, son pays "n'a pas besoin d'une politique pour attirer les touristes étrangers". "En en faisant venir autant, ils finissent par vouloir habiter ici. Et on leur donne à tour de bras des visas vacances-travail", avance-t-elle.
Après la fin de la manifestation, une jeune femme restée seule fait résonner sur un haut-parleur portable l'hymne japonais, Kimi ga yo. Selon elle, "On le voit dans plein de pays : avec les immigrés, la cohabitation est impossible, c'est prouvé. La sécurité, c'est le trésor du Japon". Quant à la pénurie de main-d'œuvre que connaît le Japon, elle élude la question, alors que la population est vieillissante et que le taux de chômage n'atteint que 2,5 %.
"On n'a pas besoin des étrangers. Il y a plein de chômeurs japonais, plein de personnes dans le besoin financier."
Une manifestante anti-immigrationà franceinfo
"On paye de plus en plus d'impôts, et à côté de ça on voit augmenter le nombre de Chinois, s'agace de son côté la quadragénaire citée précédemment. On n'en peut plus, et tout le monde s'en rend compte." Il est rare que les Japonais expriment aussi franchement leur angoisse devant un micro. "On ne peut pas continuer comme ça", lance même en français une manifestante japonaise.