« Ils ont dénigré les valeurs religieuses » : en Turquie, le pouvoir arrête des journalistes d’un titre satirique pour une caricature

Une caricature déchaîne les passions en Turquie. Quatre personnes, soit le dessinateur, le directeur de la publication progressiste Leman et deux rédacteurs en chef ont été ciblés par des mandats d’arrêt par le procureur général d’Istanbul. Leur crime : un dessin de D.P., accusé de représenter Mahomet et Moïse se présentant l’un à l’autre et se serrant la main dans le ciel d’une ville sous les bombardements, publié le 26 juin dernier dans la revue Leman.

« Ces individus sans vergogne devront répondre de leurs actes devant la justice » a déclaré Ali Yerlikaya, ministre de l’Intérieur turc, au sujet des journalistes de la revue satirique Leman. Le ministre de l’Intérieur a annoncé l’arrestation du dessinateur dans un post sur X, en publiant des images de son interpellation dans une cage d’escalier. Dans son message, il a noté que « La personne nommée D. P. qui a fait ce dessin ignoble a été attrapée et placée en détention ». Le procureur d’Istanbul Akin Gürlek indique avoir ouvert une enquête, et les accuse d’avoir « dénigré ouvertement les valeurs religieuses ».

« On est dans la pire période »

Tuncay Akgun, rédacteur en chef du magazine s’est défendu : « Ce dessin n’est en aucun cas une caricature du prophète Mahomet. […] Plus de 200 millions de personnes dans le monde islamique s’appellent Mohammed », a-t-il déclaré, précisant : « Nous ne prendrions jamais un tel risque. »

Ces arrestations interviennent dans un contexte où la caricature est devenue très délicate sous le régime d’Erdogan. Tuncay Akgun expliquait déjà en 2023 au micro de France Culture : « On est dans la pire période. Cela fait 40 ans que je dessine mais là il y a quelque chose de systématique, c’est différent de ce que l’on avait avant. C’est très effrayant. Parce que quand tu dessines ou écrit quelque chose, tu le fais avec une certaine idée des conséquences légales. »

Principale revue d’opposition du pays créée en 1991, Leman est ciblée par les conservateurs, surtout depuis son soutien à Charlie Hebdo après l’attentat du 7 janvier 2015. Des dizaines de manifestants en colère ont voulu s’en prendre à des employés de la revue satirique, provoquant des échauffourées avec la police. Les accrochages ont rapidement dégénéré en affrontements impliquant entre 250 et 300 personnes, selon un correspondant de l’Agence France-Presse (AFP).

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