Les canelés de Baillardran, maison bordelaise de renommée mondiale, dans le viseur de la justice

Après les honneurs de la visite des souverains d’Angleterre, le roi Charles III et la reine consort Camilla en septembre 2023, la maison Baillardran est dans la tourmente. Visée par une enquête de la Direction départementale de la protection des populations (DDPP) en 2023, la marque historique de canelés est accusée de pratiques commerciales trompeuses. Au tribunal de Bordeaux, jeudi, le ministère public a requis 800.000 euros d’amendes contre la société bordelaise, qui sera fixée sur son sort le 16 janvier.

Il est reproché à la maison de «l’authentique canelé», qui a popularisé cette spécialité de la Belle Endormie inventée par des religieuses au XVIe siècle, de tromper ses clients en raison d’une «composition des recettes annoncée qui ne correspondait pas à la réalité», précise au Figaro le parquet de Bordeaux. «Il n’a jamais été question pour Baillardran de tromper intentionnellement ses clients pour faire des économies ou de profit. À chaque fois que des éléments de la recette ont été changés, c’était pour améliorer la pâtisserie», plaide d’emblée l’avocate de la marque, Sandrine Joinau-Dumail.

Canelés congelés et vanille non bio

Dans son enquête, la DDPP détaille ce décalage entre l’étiquetage des produits et leur composition. Le désormais canelé «pur vanille», déclinaison sans alcool de sa version classique, a ainsi été épinglé car il affichait les sigles «bio» et «vanille bourbon» jusqu’alors. «La DDPP nous dit que nous ne pouvons pas utiliser l’appellation “vanille bourbon” car elle est réservée à la vanille de la Réunion, alors que la nôtre vient de Madagascar. C’est faux, car cette appellation peut être utilisée pour la vanille de tout l’arc de l’océan indien. Il est aussi faux de dire que Baillardran n’utilise que des arômes de vanille. Nous utilisons des gousses de vanille réduites en poudre, il n’y a qu’en fin de cuisson que des arômes de vanille sont ajoutés sur le canelé», défend Me Joinau-Dumail. Avant de reconnaître que «ces derniers mois», en raison de «difficultés d’approvisionnement», la vanille utilisée n’était pas bio.

Autre accusation de taille : la maison Baillardran est accusée d’avoir congelé les canelés invendus et de les revendre en les présentant comme frais. Une pratique qui était «infime» selon l’avocate, qui tient à préciser que seules les gammes «rocher» et «choco» des canelés auraient été concernés, et seulement «à condition qu’il n’y ait plus de stock (frais, NDLR)». «18.000 canelés par jour sont servis chez Baillardran. Les invendus sont jetés ou utilisés pour orner les vitrines et ne sont pas destinés à la vente», assure ainsi l’avocate, en soulignant qu’il y a par exemple plus de 400 canelés dans la vitrine de la boutique de la gare Saint-Jean, à Bordeaux. Avant de déclarer : «Le roi et la reine d’Angleterre ont dégusté des canelés Baillardran  sans s’en plaindre, nos canelés sont artisanaux et réalisés avec des pâtissiers. Ce serait dommage que le canelé Baillardran, qui est historique, voie son image ternie.» Si elle est condamnée à 800.000 euros d’amende, soit 200.000 euros de plus que les économies d’ingrédients estimées par la DDPP, l’entreprise aurait des difficultés à le supporter, plaide encore l’avocate de la famille Baillardran.