Notre critique de Julie se tait : jeu, facette et match

C’est l’histoire d’un silence. En gros, on n’entendra que le bruit des balles. Après le suicide d’une de ses camarades et la mise à l’écart de son entraîneur, Julie (Tessa Van den Broeck), prometteuse joueuse de tennis belge, décide de se taire. Un groupe de parole est créé pour que les langues se délient. Les responsables sont fébriles. Que s’est-il passé au juste, au Club des Hirondelles ?

L’adolescente se protège. Les autres n’ont qu’à faire ce qu’elles veulent. On dirait que ça n’est pas son problème. Les choses sont plus compliquées que ça. Julie a l’habitude de se sentir différente. Déjà qu’elle est la seule à ne pas payer sa cotisation, ce qui suffit à la distinguer. Les rapports de classe tiennent à des détails de ce genre. Elle est plus douée que ses concurrentes. L’avenir est à elle. Cette fille sérieuse refuse les sorties. Le physique avant tout. Une fois, une unique petite fois, elle acceptera un week-end chez une amie, dans cette grande maison avec piscine. Dans le jardin, les invitées échangent des blagues idiotes. C’est de leur âge. Est-ce que la carotte est un fruit ? La parenthèse est brève.

Un nouveau coach prend la sportive en main. Au téléphone - allongée sur son lit, elle pose son appareil sur le ventre -, son prédécesseur le critique. Entre eux, les liens ne sont pas vraiment rompus. Dans la journée, Julie s’escrime sur le court, enchaîne smashs et revers. Elle tient sa raquette comme une arme de défense. On ne voit jamais son partenaire, astuce de mise en scène assez éloquente.

Étrange Julie, qui multiplie les pompes, ne rate pas une séance de kinésithérapie, continue à rêver d’intégrer la Junior Pro, comme si s’épuiser était une façon d’oublier. La question qu’on lui pose le plus souvent se résume à ces mots : « Tu n’as rien à me dire ? » Elle ne prend même pas la peine de secouer la tête. Le mutisme est un refuge. C’est son choix, son secret.

Hors-champs judicieux

Elle promène son chien comme si de rien n’était. Les parents ne comprennent pas. Le suspect lui donnera rendez-vous dans un bar. Moment de trouble. L’emprise semble avoir existé. On soupçonne le pire. Ce Jeremy, pourtant pas bien inquiétant, lui touche le bras. Soudain, une phrase détonne : « Quand tu m’as demandé d’arrêter, j’ai arrêté. » On imagine alors le pire. On n’a peut-être pas tort. Des abîmes s’ouvrent sous les yeux du spectateur.

Feutrée, économe, presque froide, la forme renforce le propos, avec des cadrages géométriques, des hors-champs judicieux, une absence de psychologie qui est la bienvenue. Sur une intrigue qui rappelle Slalom (2020), de Charlène Favier, Leonardo Van Dijl ne rate pas son entrée en cinéma avec Julie se tait. Il filme mâchoires serrées, avec une efficacité contenue à la Björn Borg. Dévorée de l’intérieur, luttant pour ne pas fondre (en larmes ou comme une banquise), Tessa Van den Broeck monte au filet avec la tension d’une héroïne de Bresson sur terre battue. Sur l’écran, cette subtilité constitue une surprise de taille. Service gagnant.