Retraites : la hausse des dépenses militaires rendra «dérisoires» les débats sur les 64 ans, juge le président du COR

À peine commencé, le «conclave» sur les retraites déjà fragilisé. Les concertations entre partenaires sociaux destinées à proposer des pistes de réforme du système subissent le contrecoup du contexte géopolitique. Alors que le gouvernement cherche des solutions pour financer de nouvelles dépenses militaires face au désengagement américain, des voix jugent déjà vaines les discussions entre syndicats et patronat, dont la deuxième réunion a eu lieu jeudi dernier. Le président du Conseil d’orientation des retraites (COR), Gilbert Cette, l’a sous-entendu la semaine dernière dans un billet de blog publié sur le site Telos.

Jugeant que «les discussions actuelles sur les retraites ne peuvent totalement ignorer le contexte international actuel», le professeur à NEOMA Business School qualifie de «claire et pressante» la «nécessité d’augmenter considérablement nos dépenses militaires, dans les prochaines années sinon les prochains trimestres». Ainsi, «l’entrée progressive, plus ou moins explicite, dans une économie de guerre, rendra secondaires sinon dérisoires les débats actuels sur l’AOD (l’âge d’ouverture des droits à la retraite, NDLR) à 64 ans», estime l’économiste, qui préside cette instance depuis fin 2023. Et de poursuivre : «La question deviendra plutôt, en ce domaine et parmi bien d’autres décisions à prendre, comment augmenter rapidement cet AOD au-delà des 64 ans décidés dans la loi de 2023…»

Les syndicats vent debout

Le président du COR n’est pas le seul à faire entendre cette petite musique. Vendredi dernier, sur Franceinfo, l’eurodéputé François-Xavier Bellamy, vice-président exécutif des Républicains, a jugé que le conclave sur les retraites n’avait «plus aucune raison d’être». «On ne va pas pouvoir augmenter nos dépenses en matière de défense, si on ne fait pas d’efforts sur d’autres sujets», a estimé le chef de file des LR au Parlement européen, soulignant que le budget de la défense représentait 2% du PIB tricolore, contre «32% pour les dépenses sociales».

Du côté des syndicats, ces déclarations provoquent une levée de boucliers. «Il y a toujours une bonne raison pour s’attaquer aux retraites» ou aux «droits sociaux», mais «nous pouvons financer notre régime par répartition et nous n’avons pas à le sacrifier pour des dépenses militaires», a réagi Denis Gravouil, secrétaire confédéral de la CGT. «Le président (Macron) a appelé à des “efforts”, la CFDT répond : “Il faudra de la justice”. Arrêter le conclave et remettre tout sous le tapis» serait «une très mauvaise solution», a de son côté déclaré le négociateur de la CFDT, Yvan Ricordeau.

Invitée sur RTL ce lundi, la patronne du syndicat réformiste Marylise Léon a répété que la hausse de l’âge légal de départ était, pour la CFDT, «le critère le plus injuste». «Je pense qu’il ne faut pas rentrer dans une opposition entre la défense et le social», a-t-elle affirmé. Côté politique, le RN s’en prend également à cet «amalgame» entre retraites et dépenses militaires. «Arrêtons avec cette politique de l’alibi. Il y a deux sujets différents : les retraites et de l’autre le budget de la défense», a lancé le député frontiste Laurent Jacobelli, vice-président du groupe RN à l’Assemblée, ce lundi sur Franceinfo.