Dror Mishani, auteur : « Il y a des Israéliens qui croient encore qu’on peut arrêter cette guerre infinie »
Dror Mishani (48 ans) est d’abord connu comme auteur de romans policiers. Il a traduit Roland Barthes en hébreu. Il a le projet de traduire Frantz Fanon, son auteur de prédilection. Son livre, Au ras du sol, expose sans peur, au jour le jour, son état d’esprit d’Israélien progressiste sur la vie quotidienne en temps de guerre.
La traduction en français de votre journal de guerre, écrit par un pacifiste, est bienvenue en France dans la mesure où la majeure partie de l’information sur le conflit israélo-palestinien ne fait entendre qu’un son de voix belliciste…
Je suis très heureux de la parution de mon livre en France. Le 7 octobre 2023, j’étais à Toulouse pour participer à un festival de littérature policière. Je suis rentré précipitamment à Tel-Aviv. J’étais écrasé comme tout le monde par ce qu’il se passait. J’écrivais un roman policier. Je l’ai arrêté.
J’ai cessé mon enseignement à l’université de Tel-Aviv : la rentrée universitaire a été reportée. L’écriture de ce journal m’a sauvé. J’allais chaque jour une ou deux heures dans la chambre forte qui me sert aussi de bureau et de bibliothèque. Je m’y enfermais pour prendre du recul tout en étant entouré de livres. Écrire et lire m’ont aidé à penser la guerre.
Joseph Roth le dit, après la Première Guerre mondiale : « Il ne s’agit plus d’inventer des histoires. Le plus important, c’est d’observer. » J’ai commencé par prendre des notes. Dès la deuxième semaine, le rédacteur en chef de l’hebdomadaire suisse Das Magazin m’a proposé d’écrire un journal pour le publier à la fin de l’année. Ensuite, ma maison d’édition en Allemagne m’a offert de continuer la rédaction du journal pour en faire un livre.