Il se passe quelque chose au royaume de Norvège. Après Loveable et en attendant Valeur sentimentale, voici cette Trilogie d’Oslo. Drôle d’intitulé, puisque chaque épisode peut se voir dans le désordre et même indépendamment des autres. Il ne faut pas s’en priver. Le premier volet, Rêves, concerne une adolescente qui tombe amoureuse de sa professeur. Elle ne se doutait pas que le lycée allait changer sa vie.
En classe, elle est tout ouïe, bouche bée. Cette découverte la bouleverse tellement qu’elle la consigne sur son ordinateur. Une voix off commente les aléas de ces sentiments nouveaux. On est dans la tête de Johanne. Apparemment, elle a du talent. Quand elles lisent le texte, la mère et la grand-mère, qui est poète et qui ne mâche pas ses mots, sont à la fois médusées et scandalisées (elles n’auraient pas dû voler cette clé USB, non plus). Elles n’en reviennent pas, et ce pour deux raisons. Les dons de l’élève sautent aux yeux, mais ne s’agit-il pas d’un abus, d’un détournement de mineure ?
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Ah, les amours naissantes ! Vaste sujet, éternelle histoire. Les adultes ne peuvent pas comprendre. Ses camarades de classe sont à côté de la plaque. Elle les écoute et se sent soudain une étrangère parmi eux. Quand elle se rend chez l’enseignante, c’est pour prendre des cours de tricot. Il y a beaucoup de pulls, de plaids, de canapés profonds. Les appartements sont des cocons. Le thé fume dans des tasses transparentes. Les feuilles s’épanouissent lentement dans l’eau bouillante, métaphore un peu facile qui dit bien ce qu’elle veut dire. Dehors, les immeubles sont gris, modernes, bétonneux.
Élégance et délicatesse
La jeune fille rencontre une éditrice. Si, au moins, cette aventure lui permettait d’être publiée ! Comme ça, elle ne deviendrait pas comme les autres. Cela crée des jalousies, des malentendus. Dans les familles, les querelles d’ego ne constituent pas la plus rare des denrées. La professeur ne s’est pas vraiment rendu compte. La rencontre avec la mère dans un café tourne au malentendu. Le désir est une chose compliquée. La littérature, ça n’est pas si simple. Cela occupe. Il n’y a pas tellement de loisirs, dans cette ville bleutée, métallique. L’autofiction ne cause donc pas de dégâts qu’en France.
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Dag Johan Haugerud, qui est aussi romancier, chiade les dialogues, choisit l’élégance et la délicatesse, soigne ses décors, comme cet immense escalier dans la forêt. Une douceur veloutée, une mélancolie légère, flottante, nuageuse, baignent ces intermittences du cœur. L’héroïne entame même une thérapie. Elle trouve ça très cher, ce qui prouve sa bonne santé. « Est-ce que les oiseaux à Vienne allaient mieux à Vienne à cause de Freud ? », demande-t-elle à son psy. Il ne sait pas quoi répondre. Chère Johanne. Elle aura sûrement le Nobel. C’est dans le pays juste à côté. Voilà tout le mal qu’on lui souhaite.
La note du Figaro : 3/4