Trois questions sur les grâces préventives accordées par Joe Biden avant son départ de la Maison Blanche
Un dernier geste politique avant de quitter la Maison Blanche. Joe Biden, le président sortant a annoncé une série de grâces préventives, lundi 20 janvier, quelques minutes avant le début de la cérémonie d'investiture de Donald Trump, 47e président des Etats-Unis. Objectif : protéger les personnes concernées de tout risque de "poursuites injustes et politiquement motivées", a expliqué le démocrate. Franceinfo répond à trois questions sur ces pardons présidentiels.
1 Qui sont les personnes graciées ?
Joe Biden a annoncé deux séries de pardons présidentiels, à quelques heures de son départ de la Maison Blanche. Lundi matin, il a d'abord accordé des grâces préventives au docteur Anthony Fauci, responsable de la réponse fédérale américaine à l'épidémie de Covid-19, au général Mark Milley, ancien chef d'état-major sous Donald Trump puis Joe Biden. Le militaire avait déclaré durant la campagne présidentielle que le candidat républicain était un "fasciste jusqu'au bout des ongles" et la "personne la plus dangereuse pour ce pays". Donald Trump avait laissé entendre que l'officier s'était rendu coupable d'une "trahison", qui en d'autres temps lui aurait valu le peloton d'exécution.
"Ma famille et moi-même sommes profondément reconnaissants au président pour sa décision", a réagi Mark Milley. Il a ajouté ne pas vouloir passer le restant de ses jours à "se défendre contre ceux qui pourraient injustement chercher revanche". S'il a également remercié Joe Biden, Anthony Fauci a souligné n'avoir "commis aucun crime" susceptible de motiver "une enquête ou des poursuites pénales".
Cette première série de pardons concerne aussi tous les élus et fonctionnaires ayant contribué à la commission d'enquête parlementaire sur l'assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump, le 6 janvier 2021, ainsi que les policiers ayant témoigné devant la commission. Joe Biden a affirmé que certains de ces élus et fonctionnaires avaient été victimes d'intimidation et "même menacés de poursuites pénales". "Je crois en l'Etat de droit et je suis sûr que la solidité de notre système judiciaire finira par s'imposer face aux débats politiciens. Mais nous vivons dans des circonstances exceptionnelles et je ne peux pas, en bonne conscience, ne rien faire", a justifié le démocrate dans le communiqué.
Dans un second communiqué publié quelques minutes avant l'investiture de Donald Trump, Joe Biden a aussi accordé une grâce préventive à cinq membres de sa famille : ses frères Francis et James Biden, sa sœur Valerie Biden Owens, et les conjoints respectifs de ces deux derniers. "Ma famille a été visée par des attaques et des menaces incessantes, motivées par le seul désir de m'atteindre – la pire sorte de politique partisane. Malheureusement, je n'ai aucune raison de penser que ces attaques vont s'arrêter", a fait valoir le démocrate. Il avait déjà pardonné en décembre son fils Hunter, cible des trumpistes depuis plusieurs années, qui avait été reconnu coupable dans deux affaires distinctes de détention illégale d'arme à feu et de fraude fiscale.
2 Joe Biden a-t-il le droit d'accorder des pardons préventifs ?
Comme le souligne le site américain Vox, la Constitution américaine permet au président d'accorder son pardon à sa discrétion. Dans une décision remontant à 1866, la Cour suprême a confirmé que le cadre d'application de ce pouvoir était très large. Le chef de l'Etat peut pardonner "de manière illimitée" toute infraction aux lois fédérales, exception faite des destitutions.
Ces grâces peuvent être accordées "à n'importe quel moment" après qu'une infraction a été commise, que ce soit "avant que des poursuites judiciaires soient entamées, une fois qu'elles sont en cours, ou après le jugement et la condamnation". Elles ne concernent donc que des faits passés, qu'ils aient déjà fait l'objet ou non d'une procédure devant la justice, et pas des infractions futures. Ces pardons ne peuvent par ailleurs pas être contestés par le Congrès, détaille Vox.
Si la Constitution n'empêche pas le démocrate de prononcer des grâces préventives, elles établissent "un précédent que le nouveau président pourra utiliser pour protéger ses alliés de poursuites judiciaires", pointe CNN. Selon la BBC, le sénateur démocrate de Californie Adam Schiff, lui-même gracié en tant que membre de la commission sur l'assaut du Capitole, a également jugé que cela pourrait ouvrir la voie pour "tous les futurs présidents sur le point de partir d'accorder toutes sortes de pardons".
3 Quelle est la réaction de Donald Trump ?
Tout juste investi, Donald Trump a qualifié ces pardons préventifs de "honteux". Sans la moindre preuve, il a déclaré dans un message à la chaîne NBC News que "beaucoup" des personnes graciées étaient "coupables de crimes très graves". "Ces grâces ne doivent pas être interprétées comme la reconnaissance que ces personnes ont commis une infraction, ni présentées comme une admission de culpabilité", avait anticipé Joe Biden, dans le communiqué annonçant sa décision.
Un peu plus tard dans la journée, le président républicain a aussi déclaré, face à ses sympathisants réunis au Capitole : "Pourquoi essaie-t-on d'aider quelqu'un comme Milley ? (...) Pourquoi aide-t-on Liz Cheney ? Liz Cheney est un désastre, c'est une cinglée." L'ex-représentante a été l'une des plus virulentes critiques de Donald Trump au sein du Parti républicain, et a été pardonnée en tant que membre de la commission d'enquête parlementaire sur le 6 janvier 2021.